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Nicole :
Je me suis relevée, environ dix minutes après avoir ressenti cette étrange sensation. Je venais presque d’été foudroyée par cette douleur qui envahissait le côté droit de mon corps.
 
Jay :
Âgée de 42 ans, Nicole McLaughlin pensait qu’elle était en pleine santé. C’est jusqu’à ce qu’une urgence menaçant sa vie mette en évidence la santé de son cœur et de son cerveau.
 
Allison :
Bienvenue à Défier la démence, le balado pour quiconque a un cerveau.
 
Jay :
Défier la démence, c’est adopter un mode de vie qui permet de maintenir notre cerveau en bonne santé et de réduire les risques de démence. Car celle-ci ne dépend pas seulement de nos gènes. La génétique peut jouer un rôle, mais des facteurs liés au mode de vie comme, une perte d’audition ou de vision non corrigée, une solitude chronique ou l’isolement social ne sont pas à négliger.
 
Allison :
D’après les meilleures données disponibles, les scientifiques affirment que le fait d’apporter des changements positifs aux facteurs de risque liés au mode de vie permettrait de réduire d’au moins 45 % le nombre de cas de démence à l’échelle de la planète. On ne saurait trop insister sur ce chiffre.
 
Jay :
Aujourd’hui, à l’émission, nous explorerons le monde fascinant du cœur, des veines et des artères, et examinerons à la loupe les facteurs de risque cardiovasculaire de la démence.
 
Allison :
Je m’appelle Allison Sekuler. Je suis présidente et scientifique en chef à l’Académie de recherche et d’éducation Baycrest et au Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement.
 
Jay :
Je m’appelle Jay Ingram. Je suis journaliste et communicateur scientifique. J’écris sur la démence et j’en parle depuis plus de 25 ans.
 
Allison :
Joignez-vous à nous pour défier la démence et reprendre courage. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.
 
Jay :
Nous avons produit 20 épisodes de Défier la démence. Quand nous parlons aux experts, un conseil pour la santé du cerveau revient constamment : ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau. Aujourd’hui, nous consacrons donc une émission entière aux facteurs de risque cardiovasculaire de la démence.
 
Allison :
Si vous nous écoutez régulièrement, vous savez que bon nombre des renseignements sur la prévention de la démence que nous abordons reposent sur les recommandations de la Commission Lancet. Il s’agit d’un groupe international de scientifiques qui se spécialisent dans le risque de démence.
 
Jay :
Elle doit son nom aux rapports qu’elle publie dans The Lancet, l’une des plus prestigieuses revues médicales au monde. À intervalles de quelques années, la Commission se réunit pour examiner l’ensemble des recherches sur les moyens par lesquels les personnes de tous âges peuvent réduire leur risque de démence. Ce n’est que lorsqu’il y a consensus sur le fait que les preuves sont vraiment solides qu’un facteur de risque de démence est ajouté à la liste permanente.
 
Allison :
La principale chose à garder à l’esprit aujourd’hui est que les facteurs de risque cardiovasculaire occupent une place importante dans la liste de la Commission Lancet. Actuellement, huit des quatorze facteurs de risque sont liés à notre cœur, nos veines et nos artères.
 
Jay :
Ces facteurs sont : le manque d’exercice, l’obésité, l’usage du tabac, le diabète et l’hypertension artérielle, la pollution atmosphérique, le traumatisme cérébral et un taux élevé de mauvais cholestérol (lequel a été ajouté par la Commission l’été dernier).
 
Allison :
Dans l’épisode d’aujourd’hui, nous nous concentrerons uniquement sur certains de ces facteurs de risque : l’importance de l’exercice et du fait d’abaisser la tension artérielle et le taux de mauvais cholestérol.
 
Jay :
Nous commencerons par une histoire vécue. On y parle d’une affection cardiaque qui peut toucher des femmes jeunes et d’âge moyen, apparemment en santé, comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage.
 
Allison :
Nicole McLaughlin est une femme de 46 ans, native de Toronto. Elle travaille dans une grande banque canadienne comme consultante principale et encadre les conseillers en investissement. Mais ce que vous devez savoir sur Nicole est ceci : c’est une athlète née. Le hockey, le football et le patinage artistique jouent un rôle dans sa vie, mais c’est avant tout une adepte de la course à pied. Un jour de 2021, tout a changé. C’est l’histoire d’un événement cardiaque menaçant la vie où la démence a aussi un rôle à jouer. Nicole McLaughlin nous parle depuis Toronto. Nicole, merci de nous aider à défier la démence.
 
Nicole :
Tout le plaisir est pour moi. Merci de m’avoir invitée.
 
Allison :
Pouvez-vous nous parler de cet événement cardiaque qui a changé votre vie? Où étiez-vous? Que s’est-il passé?
 
Nicole :
Bien sûr. Eh bien, c’était au beau milieu de la pandémie de COVID-19, en août 2021. J’étais assise à mon bureau, en télétravail. Je me suis levée pour aller marcher avec ma copine qui faisait partie de ma « bulle COVID ». C’est alors que j’ai ressenti cette sensation que je n’avais jamais eue. Ce n’était ni de la nausée, ni des vertiges, ni de la douleur. Je me suis étendue sur mon lit un peu et j’ai appelé les services de Télésanté, le système du gouvernement où l’on appelle pour savoir si notre état justifie une hospitalisation. J’ai laissé un message vocal décrivant mes symptômes, puis je suis restée étendue, espérant reprendre du mieux et me lever sous peu. Je me suis relevée environ dix minutes après avoir ressenti cette étrange sensation. C’était presque comme si j’avais été frappée par la foudre, frappée par une douleur qui avait envahi le côté droit de mon corps. Le pire, c’était ma mâchoire, mon cou et mon épaule.
Heureusement que j’avais appelé les services de Télésanté. Ce sont eux qui ont envoyé l’ambulance chez moi. Quand ils sont arrivés, j’étais inconsciente. Mon amie a accueilli les ambulanciers-secouristes à la porte de mon condo et les a laissés entrer. J’ai été transportée d’urgence au centre de traumatologie St. Michael’s. À ce moment-là, je ne savais pas que c’était une crise cardiaque. J’ai failli ne pas aller à l’hôpital. J’ai donc été très chanceuse qu’une ambulancière-secouriste convaincante me persuade d’y aller.
 
Allison :
Quand vous êtes arrivée, c’était une crise cardiaque, mais pas nécessairement le type de crise cardiaque auquel la plupart des gens pensent. De quoi s’agissait-il?
 
Nicole :
Ils m’ont ramenée rapidement à la salle d’urgence et m’ont annoncé que je faisais une crise cardiaque foudroyante. Le cardiologue était déjà en chemin. Il m’a regardée et m’a dit, cinq secondes plus tard : « Je soupçonne une dissection spontanée de l’artère coronaire ». Je n’avais jamais entendu parler de ça.
 
Allison :
Dissection spontanée de l’artère coronaire. Qu’est-ce que c’est? Est-ce fréquent?
 
Nicole :
C’est généralement considéré comme rare. C’est de plus en plus fréquent, en raison simplement du fait qu’il commence à y avoir de la sensibilisation. Ce qui se passe avec une dissection de l’artère coronaire, c’est que celle-ci se déchire spontanément, littéralement. Ses parois se déchirent. Dans mon cas, la couche interne s’est ouverte, ce qui a entraîné un genre de petite cloque de sang – c’est l’analogie la plus simple que j’aie trouvée pour expliquer le phénomène aux gens – qui a été à l’origine de l’obstruction. Ainsi, ça bloquait le débit sanguin vers mon cœur.
 
Allison :
Avez-vous eu ces types d’avertissement qu’ont certaines personnes, comme les signes d’une hypertension artérielle ou un taux élevé de mauvais cholestérol?
 
Nicole :
Rien du tout. Les tests ont révélé par la suite que les taux de cholestérol étaient parfaitement normaux. Ma tension artérielle est plutôt basse. J’allais avoir 43 ans et, comme je l’ai dit, je suis une athlète. Mais, il se trouve que 42 ans est l’âge moyen où survient la dissection spontanée de l’artère coronaire. Ainsi, j’ai survécu.
 
Jay :
Eh bien, content de voir que vous en riez aujourd’hui. Parlez-nous de votre réadaptation après la crise cardiaque. Est-ce que ça ressemble à ce que traversent la plupart des personnes ayant vécu un événement cardiaque?
 
Nicole :
Malheureusement, j’ai dû attendre un peu pour ma réadaptation, en raison des nombreux scans qu’ils font dans ces cas-là pour savoir si vous avez des problèmes avec d’autres artères de votre corps. Souvent, les patients ayant subi une DSAC (dissection spontanée de l’artère coronaire) – je vais utiliser l’abréviation – ont des artères qui ressemblent à des colliers de perles. Épaisses à certains endroits, minces ailleurs. J’ai également eu une déchirure de l’artère carotide. Marcher autour de la table de ma cuisine a été ma seule forme d’exercice pour les six premiers mois de réadaptation, ou presque. J’ai ensuite fait une réadaptation cardiovasculaire, parce que je le voulais, et que mon cardiologue estimait que ce serait un excellent moyen pour reprendre confiance et retrouver un fonctionnement normal.
 
Jay :
Donc, c’était en 2021. Comment allez-vous maintenant?
 
Nicole :
Je vais très bien. Je suis suivie de près par mon cardiologue et par le neurologue, car la crise cardiaque a laissé un pseudo-anévrisme dans mon artère carotide. Ainsi, avec tout ça, la surveillance, les tests sanguins, de nombreux tests de cholestérol, tout est encore tout à fait normal. Je ne prends pas de médicament, à l’exception d’une minuscule aspirine en raison de ses propriétés anticoagulantes en lien avec le pseudo-anévrisme. Les choses vont très bien. J’ai recommencé à courir. Je fais tout ce que j’étais capable de faire, dans les limites du raisonnable. Je dois faire attention à ne pas trop me surmener. Je suis plus attentive à ce que mon corps ressent et à ma fréquence cardiaque, et je ne pousse plus la machine autant qu’avant.
 
Allison :
Cet épisode, évidemment, porte expressément sur le facteur de risque cardiovasculaire de la démence. Compte tenu de vos antécédents, pensez-vous que vous êtes à risque de développer une démence?
 
Nicole :
Il y a probablement un risque accru, je n’ai aucun doute là-dessus. Je le pense pour plusieurs raisons, juste à la lumière de mes lectures sur la démence et l’Alzheimer. Malheureusement, mon père a l’Alzheimer, ainsi qu’une démence vasculaire. Ainsi, je suppose qu’il y a une sorte d’anomalie génétique familiale que je dois prendre en compte et contre laquelle je dois me protéger autant que possible.
 
Jay :
Donc, si vous pensez que votre risque de démence pourrait être plus élevé qu’avant, faites-vous quelque chose pour réduire ce risque?
 
Nicole :
Oui, mais dans les limites du raisonnable. Je tente simplement de maintenir mon cerveau éveillé. Évidemment, le travail aide beaucoup à ce niveau. Aussi, je suis une lectrice invétérée. J’aime vraiment beaucoup la lecture. L’exercice est primordial, comme le fait de maintenir des liens sociaux avec mes amis et ma famille; je m’efforce de prendre soin d’eux, mais aussi ne pas m’éparpiller parce que je pense que je pourrais trouver un million de choses différentes à essayer. Je me limite à l’essentiel.
 
Jay :
Ainsi, Nicole, vous avez mentionné certaines choses que nous avons abordées en détail à l’émission en tant qu’éléments réduisant les risques de démence, comme le fait de maintenir son cerveau actif, d’avoir de bonnes activités sociales et d’accorder de l’importance à la mise en forme. Nous avons également parlé d’autres choses, comme le fait de bien s’alimenter, en tenant compte de son système cardiovasculaire, et de bien dormir. Pensez-vous aussi à ces autres risques possibles?
 
Nicole :
Certainement. Heureusement, je n’ai jamais vraiment eu de problèmes de sommeil ou d’insomnie, ou quoi que ce soit de ce genre. Je reconnais que je suis chanceuse à ce niveau. Le régime alimentaire y est pour beaucoup, c’est certain. Ça a toujours joué un rôle dans ma vie. J’ai été végétarienne, parfois piscivégétarienne, durant la majeure partie de ma vie, c’est normal pour moi.
 
Allison :
S’il y avait une chose que vous aimeriez que les gens retiennent de votre histoire, quelle serait-elle?
 
Nicole :
Je souhaiterais que les femmes prêtent une attention particulière à leur corps. J’ai entendu maintes histoires de survivants de la DSAC par l’entremise d’un groupe Facebook. En fait, c’est là que j’ai trouvé le plus de soutien. Les femmes, en particulier, tentent de se surpasser et ignorent presque ce qui se passe, jusqu’à ce qu’il y ait un moment plus propice pour aborder les choses. On m’a dit à l’hôpital que, si j’avais décidé de rester à la maison et de me reposer comme je l’avais suggéré aux ambulanciers-secouristes après avoir repris conscience, je n’aurais probablement pas survécu. Le pronostic est sombre chez les patients ayant subi une DSAC qui ont tendance à ignorer les choses ou pensent que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes.
 
Allison :
Nous sommes vraiment heureux que vous n’ayez pas ignoré la situation et que vous ayez sollicité l’attention médicale dont vous aviez besoin. Autrement, vous ne seriez peut-être pas là aujourd’hui pour raconter votre histoire. Merci beaucoup de nous aider à défier la démence.
 
Nicole :
Merci beaucoup. Ce fut un plaisir.
 
Allison :
Nicole McLaughlin est consultante principale au sein d’une grande banque canadienne. Elle a survécu à une crise cardiaque et surmonté cette épreuve. Nicole nous a parlé depuis Toronto.
 
Jay :
Notre prochain invité a écouté Nicole. Le Dr Paul Oh est un spécialiste de la réadaptation cardiovasculaire. Il a aidé de nombreuses personnes à se remettre de crises cardiaques et d’autres événements similaires. En fait, il a aidé Nicole à se rétablir, après sa crise cardiaque. Pour tout dire, c’est lui qui nous a présenté Nicole. Paul est directeur médical et scientifique principal du Programme de réadaptation cardiovasculaire du Réseau universitaire de santé. Paul, merci de vous être joint à nous.
 
Paul :
C’est un immense plaisir d’être avec vous aujourd’hui.
 
Jay :
Nous voulons en savoir plus sur le cas de Nicole, mais d’abord, nous aimerions clarifier une chose. Vous êtes un spécialiste de la santé cardiovasculaire et pourtant, nous vous parlons du cerveau. Quel est le lien?
 
Paul :
Eh bien, le cœur et le cerveau sont interreliés, comme tous les systèmes de notre organisme. Nous savons que ce qui est bon pour le cœur l’est souvent pour la tête, qu’il s’agisse de facteurs de risque communs, de comportements sains communs et de choses que nous pouvons faire et contrôler pour aider à la fois notre cœur et notre cerveau.
 
Jay :
J’ai mentionné Nicole, nous venons de l’entendre et sa maladie cardiaque était et demeure peu commune. Mais, est-ce pertinent pour tous?
 
Paul :
Oui, absolument. De nombreuses personnes vivront un certain type d’événement cardiaque cette année au Canada et beaucoup s’inquiéteront des conséquences en aval, non seulement pour le cœur lui-même, mais aussi pour le reste du corps, notamment le cerveau. Nous pouvons donc réfléchir à des moyens de prévenir ou de résoudre les problèmes et faire des choses qui nous aideront dans les deux domaines.
 
Allison :
Nicole a dit qu’elle était préoccupée par le risque de démence après sa crise cardiaque, notamment parce que son père vit avec l’Alzheimer et une démence vasculaire. En quoi pourrait-elle être à risque?
 
Paul :
Quiconque vit un événement cardiaque peut avoir des préoccupations quant au devenir de son cerveau. Il y a ce qu’on pourrait appeler des « chemins communs de blessure et d’agression ». Si nous avons un certain problème de vaisseaux sanguins qui affecte notre cœur, ces mêmes vaisseaux peuvent se trouver dans notre cerveau et poser un risque. Le problème de santé de Nicole est assez unique et particulier. Elle a subi une dissection spontanée de l’artère coronaire. Pour les types de problèmes cardiaques plus fréquents, comme les coronaropathies liées à une athérosclérose ou à un durcissement des artères, il existe un lien très étroit entre les vaisseaux sanguins du cerveau et ceux du cœur.
 
Allison :
Donc, concentrons-nous sur certains des principaux facteurs de risque cardiovasculaire de la démence. Vous en avez déjà mentionné quelques-uns. Nous savons, par exemple, que l’hypertension artérielle peut être mauvaise pour le cerveau sur le plan du risque de démence. Qu’est-ce qui explique ce phénomène?
 
Paul :
L’hypertension artérielle touche une grande partie de la population. Chez les adultes âgés, le pourcentage de personnes faisant de l’hypertension artérielle pourrait atteindre 40 ou 50 %. Si nous imaginons la pression artérielle comme étant la charge exercée sur nos vaisseaux sanguins, à chaque battement de cœur, soit au moins 25 000 fois par jour, nous avons une idée de la tension exercée sur nos vaisseaux sanguins. La réponse d’un vaisseau sanguin face au stress est qu’il devient de plus en plus compact. Si un certain degré de dommages est atteint, ce vaisseau peut s’obstruer. Ainsi, ces deux facteurs peuvent jouer un rôle sur le risque vasculaire pour le cerveau et des pathologies telles que les AVC. Mais, également, ces problèmes de vaisseaux sanguins peuvent entraîner des dommages au niveau du tissu cérébral et mener à une démence ou une démence vasculaire.
 
Jay :
La Commission Lancet vient d’ajouter pour la première fois le mauvais cholestérol sur sa liste permanente des risques de démence. Comment cela fonctionne-t-il?
 
Paul :
C’est une question complexe. Au regard de nos discussions sur le cœur et le cerveau, le mauvais cholestérol est bien connu en tant que facteur de risque du développement de l’athérosclérose. Ici encore, le durcissement des artères. Les dépôts de cholestérol ne sont pas une bonne [chose] quand ils se trouvent dans les artères du cœur, dans les vaisseaux sanguins du cou qui alimentent le cerveau ou dans les petits vaisseaux du cerveau lui-même. L’obstruction de ces artères entraîne, ici encore, des dommages au cerveau ou des AVC qui peuvent mener à une démence vasculaire. L’autre théorie sur le cholestérol dans le cerveau est très intéressante. Nous savons qu’il y a beaucoup de cholestérol dans le tissu et les neurones du cerveau. Si nous imaginons le cholestérol comme étant une substance qui obstrue les vaisseaux sanguins, les tissus cérébraux ou les neurones, on constate cette relation intéressante : plus on a de cholestérol, plus le métabolisme de celui-ci est important. Cela peut être associé à des concentrations plus élevées de protéines bêta-amyloïdes et tau, par exemple. Il y a une forte corrélation entre le dépôt de ces protéines et le développement de l’Alzheimer. Ainsi, ce genre de dommages qui surviennent dans le cerveau sont liés au cholestérol.
À l’inverse, des études intéressantes affirment que si nous pouvons réellement éliminer une partie de ce cholestérol et interrompre le métabolisme de celui-ci – il existe plusieurs médicaments qui peuvent le faire – cela pourrait en fait être bon pour la santé du cerveau également. Ainsi, il y a ce rôle double de maintenir nos vaisseaux sanguins dégagés et d’éliminer en partie les dépôts de résidus issus des dommages subis par le tissu cérébral.
 
Allison :
Quelles mesures clés peut-on prendre pour réduire le risque de démence posé par l’hypertension artérielle ou les taux élevés de mauvais cholestérol?
 
Paul :
Il y a des choses liées au mode de vie sur lesquelles nous pouvons agir. Il y a aussi, bien sûr, des approches médicamenteuses. Pour ce qui est de la tension artérielle du point de vue du régime alimentaire, nous pouvons adopter des programmes comme le régime DASH, axé sur la réduction du sodium et l’augmentation de l’apport en fibres, en fruits et légumes et en protéines saines. Et, bien sûr, nous parlons de ces choses pour la santé du cœur également. De façon similaire, ce type d’habitudes alimentaires est sans doute bon pour notre cholestérol. Toutefois, pour vraiment réduire notre taux de cholestérol et optimiser les chiffres de nombreuses personnes atteintes d’hypertension artérielle, l’aide d’un ou de plusieurs médicaments pourrait s’avérer nécessaire. Ce n’est pas un échec du mode de vie. Ce sont les choses qui fonctionnent le mieux de manière complémentaire pour nous aider à maîtriser ces risques.
 
Jay :
Nicole n’en a pas parlé beaucoup, mais l’exercice a joué un rôle important dans son rétablissement. D’une manière générale, quelle est l’importance de l’exercice dans la prévention des crises cardiaques et le rétablissement après une crise?
 
Paul :
Je pense que l’exercice est vraiment important quand nous pensons au cœur et au cerveau. Dans le cas particulier de Nicole, celle-ci était déjà assez active et en forme avant l’événement. Le type de crise cardiaque qu’elle a subi, une dissection spontanée de l’artère coronaire, est quelque chose d’assez atypique. En fait, l’exercice pourrait même en être la cause. Pour la plupart des personnes ayant fait une crise cardiaque, l’exercice est extrêmement important. Les personnes qui sont en forme et font régulièrement une activité physique ont généralement un risque beaucoup plus faible de faire une première crise. Et, pour les personnes qui se rétablissent, l’exercice est un élément crucial de la réadaptation à long terme. Je pense, bien sûr, que l’exercice est la clé dans tout. Être un peu moins sédentaire peut être un point de départ. Levez-vous et bougez, de n’importe quelle façon. Cela a réellement un effet bénéfique sur des problèmes tels que les maladies du cœur, le diabète et le risque de cancer, et sur la santé du cerveau.
Aussi, demeurer actif de manière planifiée tout au long de la journée aide vraiment beaucoup. Une combinaison d’exercices cardiovasculaires ou aérobiques, où on se lève et on bouge, on fait accélère sa fréquence cardiaque, on transpire un peu et on est essoufflé, c’est vraiment excellent pour stimuler la circulation. L’autre composante est la musculation, qu’il ne faut pas sous-estimer non plus. Pour nous tous, cette combinaison d’entraînement aérobique et de musculation, d’entraînement avec poids et haltères ou d’entraînement contre résistance, est vraiment excellente. L’autre chose intéressante que nous avons constatée dans nos populations, c’est que l’on peut en fait établir une corrélation entre la masse musculaire et la santé du cerveau. Ainsi, il y a beaucoup de bonnes raisons d’être actif.
 
Allison :
Donc, nous avons parlé de la façon dont les changements sains peuvent avoir une incidence sur notre vie, mais, nous avons entendu à l’émission à maintes reprises qu’il est difficile de faire un changement. Vous avez étudié les manières de réussir à maintenir les changements au fil du temps. Auriez-vous un conseil ou deux à cet égard?
 
Paul :
Oui, merci pour cette [question], Allison. Je pense que nous commençons souvent par trouver ce qui est important pour nous. C’est ce qui nous incite à vouloir adopter un comportement plus sain. Ainsi, lorsqu’on a un objectif et une connaissance profonde de ce qui le motive, je pense que les autres pièces du casse-tête – ce que je vais faire et comment je vais le faire – se mettent en place [facilement]. Dans notre programme, nous passons beaucoup de temps à réfléchir à ce que l’on appelle « l’établissement d’objectifs intelligents ». [C’est-à-dire] comment raccourcir le parcours vers la destination [en] déterminant les actions concrètes et réelles que je dois entreprendre. Il peut s’agir de ce que j’en retire pour le lendemain ou la semaine suivante, de petites étapes mesurables qui peuvent réellement me donner confiance. Je peux réussir les petites actions; par conséquent, je peux cheminer dans une démarche plus large.
L’autre chose vraiment importante, c’est de déterminer dès le départ ce qui va entraver ma progression, les obstacles. Car, sans réfléchir à cet aspect, le risque d’échec est élevé. Bon nombre de gens ont vécu cette expérience formidable quand ils ont entamé, peut-être un nouveau régime alimentaire ou un nouveau programme d’activité physique, [et rencontré un obstacle]. Nous aimons voir différemment les soi-disant échecs ou rechutes. Ça fait partie du parcours. C’est fantastique. Vous cessez de faire ceci, excellent! Vous êtes sur le bon chemin. Vous êtes prêt à vous relever et à repartir parce que vous savez comment procéder.
 
Allison :
Et on apprend de ces expériences.
 
Paul :
Tout à fait. Oui, je suis parfaitement d’accord.
 
Jay :
Eh bien, c’est encourageant pour moi, car j’ai toujours eu la crainte que la paresse soit la raison pour laquelle je ne fais pas bon nombre de choses que je sais que je devrais faire. Parlant de faire des choses que vous savez que vous devriez faire, comment parvenez-vous à vous occuper de votre santé cérébrale et cardiovasculaire?
 
Paul :
Oui, merci de poser cette question, Jay. En me préparant pour cette séance, je tentais de faire une petite grille personnelle. Voici ce que j’ai trouvé. Pour commencer, je détermine quelle est la motivation derrière l’action. Je viens d’avoir 60 ans – c’est dans ce balado que je le révèle – je fais donc partie de la tranche d’âge où les [changements dans le mode de vie] peuvent être importants. Qu’est-ce que je veux comme avenir pour les prochaines décennies? Je veux bien aller, être fort et en santé et avoir un esprit clair et sain, tout comme mon corps. Voilà la motivation. Ensuite, je dois penser à la façon dont je vais m’occuper de mon corps. Que vais-je y mettre? Avec qui vais-je le faire? Où devrais-je le faire? Ça me donne une certaine structure, un genre de détermination des objectifs.
[Ainsi], il y a certaines choses dans mes activités quotidiennes qui peuvent contribuer ou nuire à ces cheminements. Des choses simples auxquelles je prête attention [telles que] : Est-ce que je peux d’une certaine manière bouger [plus] ou rester assis moins longtemps dans la prochaine heure? Avec un peu de chance, oui. Est-ce que je peux manger un peu mieux? À chaque repas? Est-ce que je peux manger quelque chose de frais, de coloré ou riche en fibres? [Des] fruits ou des légumes bons pour mon cœur ou mon cerveau? Je ne fumerai pas. Je peux prendre des décisions très activement. Probablement que je ne boirai pas non plus, car l’alcool n’est pas la meilleure des choses pour le corps. Mais, il revient aux personnes de faire leurs propres choix. Ensuite, je pense à ces facteurs de risque que sont la tension artérielle, le cholestérol, la glycémie, et m’assure qu’ils sont aussi optimisés.
Je fais de mon mieux pour avoir des relations sociales à un moment de la journée. Les moments calmes sont aussi agréables. J’aurai sans doute du stress dans ma journée. C’est correct; ça nous maintient animés et revigorés. Ensuite, je pense à me détendre. Enfin, je tente de nourrir mon cerveau également. Tenter chaque jour de faire quelque chose d’un peu ardu, d’un peu nouveau, d’un peu stimulant. Ça peut même être écouter un excellent balado, comme Défier la démence. C’est comme ça que l’on demeure en santé à long terme.
 
Jay :
C’est une super liste, et je ne dis pas ça simplement parce que vous avez mentionné Défier la démence. Merci beaucoup, Dr Oh, de nous aider à défier la démence.
 
Paul :
Merci, Jay. Merci, Allison. Ce fut pour moi un immense plaisir.
 
Jay :
Dr Paul Oh est directeur médical et scientifique principal du Programme de réadaptation cardiovasculaire du Réseau universitaire de santé. Il nous a parlé depuis Toronto.
Vous savez, Allison, ça m’a vraiment frappé d’entendre l’histoire de Nicole, car sa maladie cardiaque, bien qu’importante, est relativement rare. Et pourtant, il s’agit d’un signe que Nicole a possiblement plus de risque de développer une démence. Si l’on combine ça à la longue liste de facteurs de risque ayant un impact sur le système cardiaque et circulatoire de la Commission Lancet, ça fait prendre conscience que non seulement ces facteurs sont importants, mais que, honnêtement, je pense que si l’on devait traiter une chose centrale dans sa vie et y prêter attention, cette chose devrait être le système circulatoire, surtout le cœur. Et vous? Qu’avez-vous retenu de l’épisode d’aujourd’hui?
 
Allison :
J’ai trouvé ça vraiment intéressant d’entendre les conseils donnés non seulement pour entreprendre des changements dans son mode de vie, mais aussi pour les maintenir. L’un des conseils était de réfléchir à la motivation. Pourquoi voulez-vous changer votre mode de vie? Quel est votre objectif? Qui souhaitez-vous devenir? Également, je pense que le fait d’avoir une compréhension des objectifs ultimes est essentiel pour comprendre la raison pour laquelle on entreprend un changement. Nous en avons entendu parler dans certains des épisodes précédents, par exemple avec Ernestine Shepherd, quand celle-ci a abordé l’exercice. Sa motivation à changer des choses était très forte. Je pense que cela l’a vraiment aidée à concrétiser ses plans. Et, puis, bien sûr, nous avons entendu de nouveau la recommandation de commencer par de très petites actions, des petites choses. Par exemple, ajouter un peu de fruits et de légumes à ses repas, et ainsi de suite. Même cela peut changer la donne. Aussi, j’ai trouvé vraiment intéressant le fait que le [Dr Oh] souligne que ces petits changements peuvent être apportés à la fois dans le mode de vie et dans la médication.
 
Jay :
Le fait que nous parlions des facteurs de risque liés au mode de vie et que nous ne passions pas énormément de temps sur la médication ne veut pas dire que nous doutons de l’utilité et de l’importance des médicaments dans certains cas. C’est seulement qu’en plus de ceux-ci, il y a tous ces facteurs de risque dont nous avons parlé, qui sont vraiment importants. Et je le répète : il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.
 
Allison :
Pour en savoir plus sur la manière de renforcer la santé du cerveau et de réduire le risque de démence, ou d’en ralentir la progression, visitez notre site, defierlademence.org. Vous y trouverez au moins 20 autres épisodes du balado, ainsi que nos vidéos, des images infographiques et d’autres ressources.
 
Jay :
Notre équipe de production pour ce balado est composée de Rosanne Aleong et Sylvain Dubroqua. Notre rédacteur et réalisateur associé est Ben Schaub. La production est assurée par PodTechs. La musique a été composée par Steve Dodd et le dessin pour la page couverture a été réalisé par Amanda Forbis et Wendy Tilby.
 
Allison :
Nous tenons également à remercier la Slaight Family Foundation, de même que le Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement, et Baycrest, qui ont financé ce balado. Et nous sommes grandement reconnaissants envers vous, chers auditeurs. Veuillez nous soutenir en cliquant sur le bouton d’abonnement. Vous pourrez ainsi suivre Défier la démence partout où vous écoutez vos balados. N’oubliez pas de laisser un j’aime, un commentaire ou une note de cinq étoiles.
 
Jay :
Au prochain épisode de Défier la démence, nous explorerons en profondeur une population cachée et en grande partie non reconnue qui est exposée à un risque accru de démence : les adultes atteints du syndrome de Down ou d’autres déficiences développementales, de même que leurs proches aidants. Ça peut sembler être une situation désespérée, mais vous entendrez comment on y fait face grâce à la force de l’amour. Je m’appelle Jay Ingram.
 
Allison :
Et moi, Allison Sekuler. Merci d’avoir écouté Défier la démence. Jay l’a dit plus tôt et c’est maintenant à mon tour de le dire. N’oubliez pas : il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.