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 Marva :
À l’heure où on se parle, je suis consciente qu’il existe une possibilité génétique que je développe une démence. Si j’avais connaissance de ce résultat de test et que je savais que j’étais prédisposée à la développer à un moment donné, il serait difficile de l’oublier ou de ne pas y penser. J’imagine que cela deviendrait le centre de mes préoccupations.
 
Allison :
Vous venez d’entendre Marva Walsh Smart. Comme bon nombre d’entre nous, elle sait que sa famille et elle‑même pourraient avoir un risque génétique de développer une démence. Marva prend des mesures pour réduire ce risque, tout comme de plus en plus d’entre nous. Vous ferez la connaissance de Marva dans un instant.
 
Jay :
Bienvenue à Défier la démence. Le balado pour quiconque a un cerveau.
 
Allison :
Adopter un mode de vie qui maintient votre cerveau en santé et qui réduit le risque de démence : c’est ce que vise Défier la démence. Car la démence ne dépend pas seulement des gènes. La génétique peut jouer un rôle, mais des facteurs liés au style de vie comme une perte auditive et la pollution de l’air ne sont pas à négliger.
 
Jay :
Selon les scientifiques, si nous apportions des changements sains à ces facteurs de risque, nous pourrions réduire les cas de démence à l’échelle de la planète dans une proportion pouvant allant jusqu’à 40 %.
 
Allison :
Aujourd’hui, dans l’émission, nous allons analyser en détail ce risque génétique en posant quelques questions fondamentales. Des questions comme : « Si un membre de notre famille reçoit un diagnostic de démence, qu’est‑ce que cela signifie vraiment pour nous? » Et, plus important encore : « Que pouvons‑nous faire à ce sujet? »
 
Jay :
Je m’appelle Jay Ingram. Je suis écrivain et communicateur scientifique. J’écris sur la démence et j’en parle depuis plus de 25 ans.
 
Allison :
Je m’appelle Allison Sekuler. Je suis présidente et scientifique en chef à l’Académie de recherche et d’éducation Baycrest et au Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement.
 
Jay :
Joignez‑vous à nous pour défier la démence. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.
 
Allison :
Jay, lors de notre dernière émission, nous avons parlé un peu du risque de démence dans les familles et de nos propres risques génétiques. Comme vous le savez, mes deux grands‑mères ont souffert de démence à une période de leur vie, et vous avez aussi des antécédents familiaux.
 
Jay :
Je le sais, Allison, c’est pourquoi vous et moi ne pouvons nous empêcher de nous intéresser aux aspects génétiques de la démence. Comme on le répète à chaque épisode de « Défier la démence », la génétique joue bel et bien un rôle. Mais, au moins 40 % du risque global de démence dépend de tous ces facteurs liés au style de vie dont nous avons parlé. Tout cela est vrai. Il reste cependant 60 %. Le vieillissement compte pour une bonne partie de ce pourcentage. Les gens disent toujours que le vieillissement est le facteur de risque le plus important pour la démence. Mais les gènes jouent eux aussi un rôle important, non seulement les gènes normaux, mais ceux qui ont subi des mutations, des altérations qui changent leur fonctionnement dans le cerveau. Ces produits anormaux endommagent à leur tour d’autres processus cérébraux, créant ainsi une sorte d’effet domino. Et cet effet se présente de différentes manières selon le type de démence. Mais, au final, les neurones, ces cellules responsables des signaux dans notre cerveau subissent des dommages et finissent par mourir. La démence est le résultat, mais les gènes peuvent être un point de départ.
 
Allison :
Aujourd’hui à l’émission, une experte nous éclairera sur les risques génétiques. Notre invitée est une médecin qui travaille en première ligne dans une clinique en Ontario, où elle évalue les personnes potentiellement atteintes de démence pour poser un diagnostic. De plus, elle fournit des conseils aux familles concernant le risque éventuel de démence lié aux antécédents familiaux.
 
Jay :
Mais, tout d’abord, voici l’histoire vécue d’une personne qui vit avec un risque génétique et qui a appris à gérer ce risque.
 
Allison :
Marva Walsh Smart a 54 ans et est native de Brampton, en Ontario. C’est une gestionnaire du succès client dotée d’une formation en ressources humaines et avantages sociaux. Elle est aussi conjointe, mère et partenaire de soins bénévole pour la Société Alzheimer du Canada. Marva est la benjamine d’une fratrie de six enfants nés à Birmingham, en Angleterre, d’une mère jamaïcaine et d’un père dominicain. La famille a immigré au Canada alors qu’elle était jeune, en quête d’une vie meilleure. Trois ans après leur arrivée au pays, alors que Marva n’avait que neuf ans, son père est décédé d’une crise cardiaque, laissant à sa mère, Ethel Walsh, la responsabilité d’élever seule tous les enfants. Ethel a travaillé comme aide‑soignante dans un foyer de soins de longue durée pendant plus de vingt ans.
 
Jay :
Mais en 2011, Ethel a reçu un diagnostic de démence à corps de Lewy, la deuxième forme de démence la plus répandue après la maladie d’Alzheimer. C’est alors que la vie de Marva a changé. Elle est devenue la principale aidante de sa mère tout en jonglant avec sa carrière, son mariage et son rôle de mère d’un bambin. Malheureusement, Ethel est décédée en 2013, à la suite de complications d’un accident vasculaire cérébral. Parlons un peu de la démence à corps de Lewy : bien qu’elle survienne de manière aléatoire, il existe un risque génétique dans certaines familles. Actuellement, il n’y a pas de test génétique disponible en dehors des contextes de recherche. Marva est ici pour parler de son expérience de vie avec un risque génétique et des mesures proactives qu’elle prend pour réduire son risque global. Marva, merci de nous aider à défier la démence.
 
Marva :
Merci de m’avoir invitée. C’est un plaisir d’être des vôtres.
 
Jay :
Marva, nous voulons parler de la façon de gérer le risque génétique. Mais, tout d’abord, pourriez‑vous nous parler de votre mère et de votre relation avec elle?
 
Marva :
Bien sûr.
J’étais la petite dernière de la famille et je n’ai jamais quitté le cocon familial. Ma mère et moi étions inséparables. Je l’appelle volontiers « ma copilote », car nous étions toujours ensemble. Elle n’a jamais appris à conduire, donc c’était moi qui la conduisais partout où elle voulait aller. Nous entretenions donc des liens étroits. Elle m’a beaucoup appris, notamment mon amour de la cuisine, une passion que je tiens d’elle. Elle a également essayé de nous inculquer, à mes frères et sœurs et à moi, des valeurs importantes.
 
Allison :
Lorsque vous avez appris le diagnostic de votre mère, avez‑vous pensé à votre propre risque génétique?
 
Marva :
Non. Je pense qu’en réalité, je tentais seulement de naviguer à travers le diagnostic lui‑même. Comme je connaissais peu la démence et le diagnostic de démence à corps de Lewy à proprement parler, ce n’était pas une chose à laquelle je pensais.
 
Allison :
Quand avez‑vous commencé à penser à votre propre risque?
 
Marva :
Je dirais que c’est à partir du moment où mon beau‑père a reçu un diagnostic de démence frontotemporale il y a quatre ans que j’ai commencé à en apprendre davantage sur la maladie d’Alzheimer. À ce moment, j’ai commencé à penser au risque génétique, non seulement pour moi, mais aussi pour mon mari et ma fille. J’ai alors commencé à faire d’autres recherches et à prendre des mesures proactives pour tenter d’améliorer ma santé et mon bien‑être en général.
 
Jay :
Nous voulons parler des mesures proactives que vous prenez, mais vous inquiétez‑vous du risque génétique que vous pensez avoir?
 
Marva :
C’est un peu comme un cercle vicieux. J’essaie de ne pas m’en faire, car je crains que cela n’aggrave la situation, mais j’y pense toujours. Si j’oublie où j’ai laissé mes clés ou si je monte à l’étage et j’oublie la raison pour laquelle je m’y rends, je me mets à me demander si c’est le début de quelque chose. En parlant avec les autres, on réalise que tout le monde a beaucoup de choses en tête de nos jours. Ainsi, ce n’est pas forcément un signe, mais je pense que je suis quand même plus attentive.
L’une des choses intéressantes que j’ai constatées, c’est qu’on ne sait pas forcément qu’on souffre d’Alzheimer. La maladie peut progresser en silence pendant des années avant que les symptômes se manifestent.
 
Allison :
Au fur et à mesure que vous en apprenez davantage et que vous y pensez de plus en plus, y a‑t‑il quelque chose de particulier que vous et votre famille faites pour tenter de réduire le risque de démence?
 
Marva :
Oui, nous sommes plus proactifs sur le plan de nos habitudes alimentaires et de l’exercice, et faisons preuve de volonté en général lorsqu’il est question de notre santé et des visites régulières chez les professionnels de la santé, qu’il s’agisse d’un médecin, d’un médecin de famille ou d’un autre spécialiste. Personnellement, j’apprécie particulièrement l’ostéopathe, chez qui je vais régulièrement pour vérifier que ma santé globale est bonne.
 
Allison :
Pour ce qui est de votre régime et de l’exercice, quel type de changements avez‑vous apportés?
 
Marva :
Pour ma part, je mange moins de viande, je tente de faire les lundis sans viande. Au restaurant, je choisis généralement l’option végétarienne si elle est disponible. Pour ce qui est de l’exercice, j’ai une routine matinale qui engage à la fois la tête, le corps et l’esprit. Je fais une prière, je médite, je m’entraîne, je marche et je m’assure de prendre un déjeuner santé, qui débute habituellement avec un smoothie aux légumes. Mes proches ont également suivi mon exemple en mangeant plus de fruits et de légumes. Ainsi, nous faisons de meilleurs choix pour nos repas.
 
Allison :
Ouais. J’allais vous poser des questions sur votre famille, car vous avez mentionné que les différentes formes de démence commencent à se développer bien avant que les symptômes que les gens associent souvent à la démence et à la perte de mémoire se manifestent. Ainsi, vos enfants sont‑ils conscients que les changements qu’ils apportent à leur mode de vie peuvent les aider à réduire leur risque? Ou est‑ce simplement quelque chose qui fait partie de leur vie et qui les aidera plus tard?
 
Marva :
C’est tout simplement intégré au mode de vie. Nous parlons de la prestation de soins et tentons de donner l’exemple, mais pour l’instant, nos choix de style de vie font vraiment partie du quotidien.
 
Jay :
Dans notre balado, nous avons souligné que certains changements dans votre mode de vie, des choses que vous faites déjà, peuvent avoir un effet aussi important que n’importe quel type de risque génétique. Donc, en poursuivant vos habitudes actuelles, vous sentez‑vous plus à l’aise face à l’idée d’un risque génétique?
 
Marva :
Jusqu’à un certain point. J’ai le sentiment de faire tout ce que je peux pour l’instant. Je veux dire, ce n’est pas parfait, mais je pense que ma famille et moi progressons dans la bonne direction pour rester le plus en santé possible.
 
Allison :
À l’heure actuelle, il n’y a pas de test pour la démence à corps de Lewy en dehors des milieux de recherche, mais si un test devenait disponible, envisageriez‑vous de le passer?
 
Marva :
Je ne pense pas.
 
Allison :
Vous ne le passeriez pas? Pourquoi?
 
Marva :
Si le test s’avérait positif, je pense que ce serait quelque chose que je porterais comme un fardeau, une charge supplémentaire. À l’heure où on se parle, je suis consciente qu’il existe une possibilité génétique que je développe une démence. Si j’avais connaissance de ce résultat de test et que je savais que j’étais prédisposée à la développer à un moment donné, il serait difficile de l’oublier ou de ne pas y penser. J’imagine que cela deviendrait le centre de mes préoccupations. J’imagine que ce serait au centre de mes préoccupations.
 
Jay :
Merci beaucoup, Marva, d’avoir partagé votre expérience personnelle avec nous et nos auditeurs. C’est vraiment apprécié. Pourquoi choisissez‑vous de le faire?
 
Marva :
J’ai l’impression d’être dans une quête où j’ai beaucoup appris. Je pense que nous sommes ici pour semer des graines, donner aux autres et leur apporter de l’aide. Plus je peux faire de choses pour aider, plus je ressens de bonheur et de satisfaction.
 
Jay :
C’est une excellente attitude. Comme je l’ai dit, nous apprécions vraiment votre présence parmi nous. Merci beaucoup, Marva.
 
Marva :
Ce fut un plaisir. Merci de m’avoir invitée.
 
Allison :
Marva Walsh Smart est à la fois gestionnaire du succès client et conjointe, mère et partenaire de soins bénévole pour la Société Alzheimer du Canada. Elle est originaire de Brampton, en Ontario.
 
Jay :
Notre prochaine invitée a écouté Marva. La Dre Tricia Woo parle aux gens à propos de leur risque génétique de démence depuis près de vingt ans. Elle est professeure de médecine à l’Université McMaster d’Hamilton, en Ontario, et pédiatre au Geras Jira Center. Elle est gériatre au Hamilton Health Sciences, où elle évalue les gens pour diagnostiquer la démence. Tricia dit qu’elle annonce au moins un diagnostic au cours de sa journée de travail. De plus, elle donne des conseils aux membres de la famille sur le risque de démence lié à des facteurs génétiques. Elle se joint à nous depuis Hamilton. Dre Woo, merci beaucoup de vous joindre à nous à Défier la démence.
 
Tricia :
Merci de m’avoir invitée. C’est un plaisir pour moi d’être ici.
 
Jay :
Dre Woo, qu’est‑ce qui vous a frappée dans l’histoire de Marva?
 
Tricia :
En fait, il y a deux choses. Premièrement, Marva est un excellent exemple de nombreuses personnes dans la collectivité. Elle est proche aidante et elle fait partie de ce qu’on appelle « la génération sandwich », c’est‑à‑dire des personnes qui prennent soin à la fois d’aînés et de jeunes enfants ou adultes tout en jonglant avec le travail. En fait, de nombreux proches aidants comme Marva sont si pris par leurs responsabilités qu’ils négligent souvent leur propre santé et les facteurs de risque de diverses maladies. La deuxième observation concernant l’histoire de Marva, c’est qu’en prenant le temps de réfléchir à sa vie et à ses facteurs de risque, elle s’est sentie capable d’apporter des changements à son mode de vie. Elle en a choisi quelques‑uns qui lui semblaient les plus adaptés. Ce que j’aime vraiment dans son histoire, c’est qu’elle a transformé ces changements en une démarche collective. Elle n’était pas seule. Elle a fait participer sa famille et a permis aux professionnels de la santé de jouer un rôle dans sa vie. En agissant de la sorte, les chances de réussite et de maintien de ces choix de style de vie augmentent considérablement.
 
Allison :
Dans le cadre de Défier la démence, nous expliquons aux gens que ces changements de style de vie dont vous avez parlé peuvent compter pour au moins 40 % du risque de démence. Sur les 60 % restants, quel pourcentage est déterminé ou influencé par les gènes?
 
Tricia :
Pour la vaste majorité des gens, ce sont les facteurs de risque modifiables mentionnés qui ont le plus de poids. Même dans l’étude menée par la Commission Lancet, il n’y avait pas de certitude absolue quant au 60 % restants. Pour la plupart des gens, plus de 95 % des cas observés, c’est sporadique. Le lien génétique est nébuleux, tout au plus.
 
Allison :
Pour ce qui est de ce 60 %, je veux dire, les gens pourraient penser que le style de vie compte pour 40 % et les gènes pour 60 %. Mais vous dites que les gènes ne représentent pas nécessairement 60 %. D’autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte, comme l’âge ou d’autres types de facteurs.
 
Tricia :
Tout à fait. Tout à fait. Les facteurs de risque modifiables comptent pour 40 %. Quant au 60 % restants, nous ne sommes pas totalement certains de leur composition à ce stade‑ci. De plus, certains de ces facteurs pourraient ne pas être modifiables.
 
Jay :
Tricia, certains gènes constituent un risque élevé, d’autres non. Si une personne possède l’un de ces gènes constituant un risque élevé, cela conduit‑il toujours à un diagnostic de démence? Et si c’est le gène constituant un risque élevé, peut‑on faire quelque chose?
 
Tricia :
Pour répondre à cette question, revenons d’abord sur ce qu’est le risque génétique et ce que cela signifie. Le risque génétique fait référence à la probabilité de développer une maladie donnée en fonction de la composition génétique d’une personne. Il découle de variations dans notre ADN, appelées variantes ou mutations, qui influencent notre prédisposition à certaines maladies.
Maintenant, certaines de ces variations sont héritées de vos parents, tandis que d’autres se produisent spontanément. Pour répondre à votre question sur le risque génétique et la démence, il a été démontré que la plupart des gènes identifiés jusqu’à présent comme étant associés à un risque peuvent être modifiés dans leur expression par des changements de style de vie. Ainsi, même si vous avez des gènes considérés comme un risque génétique, cela ne veut pas dire que vous aurez des symptômes cliniques qui correspondent à ceux de la démence. Des études menées avec des jumeaux, même avec des jumeaux ayant un bagage génétique similaire, ont montré que ce n’est pas un indicateur absolu de l’expression de la maladie.
 
Allison :
Pouvez‑vous nous en dire plus sur ce qui détermine la présence ou l’absence d’un gène? Les gens entendent parfois parler du fait qu’un gène est activé ou désactivé. Qu’est‑ce que cela signifie? Par exemple, chez des jumeaux, l’un peut avoir le gène tandis que l’autre ne l’a pas. Et pourtant, l’un peut développer une démence, l’autre non. Comment cela fonctionne‑t‑il?
 
Tricia :
Oui, il y a d’autres concepts de base en génétique. L’un d’eux est le risque génétique, dont nous avons parlé. L’autre est ce que nous appelons un lien causal. Celui‑ci fait référence à une relation directe de cause à effet entre une variante génétique et la détermination d’une maladie. Dans le cas de la démence, les gènes avec un lien causal sont très rares. Ils sont présents dans seulement 5 % des cas. La plupart du temps, il s’agit de cas sporadiques ou spontanés. Certaines personnes ont des gènes constituant un risque génétique, mais soit ces gènes ne sont pas entièrement exprimés chez cette personne, soit la personne a adopté des changements de mode de vie pour atténuer ou neutraliser ce risque par elle‑même. Ici encore, la maladie ne s’exprime pas.
 
Allison :
Emmenez‑nous à votre bureau. Faites comme si nous étions venus pour une consultation. Comment le sujet du risque génétique dans les familles est‑il abordé?
 
Tricia :
En général, lors de la première consultation, la personne qui est au centre d’attention reste au centre d’attention du début à la fin de la rencontre. La première tâche consiste à établir un lien avec cette personne et à lui expliquer ce que signifie son diagnostic. Parfois, lors de la deuxième ou troisième visite, une fois que le diagnostic a été expliqué à la personne et à sa famille, celle‑ci commence à poser des questions. Cela se produit souvent lors de la deuxième ou troisième visite. La question « Qu’en est‑il de mon risque? À quoi cela rime‑t‑il? » est souvent posée. Lors de la première visite, il arrive souvent que la famille ne discute que des faits immédiats. Lorsque nous parlons aux familles, nous leur disons que la vaste majorité des cas surviennent chez des personnes de plus de 65 ans et que l’âge est l’un des facteurs de risque les plus importants. Ensuite, nous expliquons que la plupart des cas sont sporadiques et ne sont pas directement hérités génétiquement.
Puis, je tente de les aider à prendre les choses en main en leur disant : « Vous savez, il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour apporter des changements, tant pour la personne elle‑même que pour ses proches. » Nous passons en revue les modifications du style de vie en général, parfois en nous concentrant sur des aspects précis soulevés pendant la conversation ou la consultation initiale, et nous leur donnons des conseils pratiques très précis. Comme dans le cas de Marva, il est également important d’aborder la question en équipe, en famille. Cela peut être à la fois rassurant et motivant pour le patient et ses proches.
 
Jay :
Donc, vous conseillez les gens sur les changements à apporter à leur style de vie. Si certaines personnes souhaitent ardemment passer un test génétique, qu’est‑ce que vous leur dites?
 
Tricia :
Si le fait de passer un test génétique les intéresse vraiment, je leur pose la question suivante : « Eh bien, que comptez‑vous faire avec ces renseignements? Quel effet cela aurait‑il sur vous? Parfois, la motivation réside simplement dans la volonté de savoir. Si c’est le cas, nous abordons ensuite la rareté des cas où la génétique joue un rôle direct, et le fait que cela aura probablement peu de répercussions sur leur vie quotidienne. Savoir que l’on possède ou non un gène ne donne pas une tranquillité d’esprit totale et peut susciter des inquiétudes et des préoccupations. Les seuls cas où je recommanderais sérieusement de considérer un test génétique sont les rares cas où l’on soupçonne un lien familial très fort dès un jeune âge, ou les cas particuliers où de très jeunes personnes, dans la trentaine ou la quarantaine, ainsi que leur famille entière, sont touchées. Ce sont les seuls cas où nous aurions une discussion approfondie à ce sujet.
 
Jay :
Tricia, vous avez mentionné que la démence précoce serait en quelque sorte pour vous un feu clignotant qui pourrait vous pousser à réfléchir davantage au test génétique. Pourquoi?
 
Tricia :
Parce que lorsque la démence est précoce, ou très précoce, il la génétique est plus susceptible de jouer un rôle. Toutefois, même dans ces circonstances, il est crucial de discuter avec la personne touchée et sa famille et dites : « Est‑ce que cela modifierait votre manière de gérer la situation? » Car même dans un cas de démence précoce, si cela ne change pas les modifications que vous apporterez à votre style de vie ou votre vision des choses, nous pourrions décider de ne pas aller de l’avant.
 
Allison :
Je pense que vous avez dit que, même dans ces situations, même si la corrélation est très forte, les changements au mode de vie peuvent atténuer le risque dans une certaine mesure. Un des sujets dont nous avons discuté longuement ici à Défier la démence, c’est de savoir si nous pouvons conseiller aux gens d’apporter des changements positifs à leur style de vie, et comment les aider à vraiment les mettre en pratique. Donc, vous avez mentionné que le travail d’équipe est l’une des méthodes. Quels autres conseils donnez‑vous aux gens pour les motiver à apporter ces changements sains?
 
Tricia :
Premièrement, je dis toujours de travailler en équipe. Deuxièmement, nous examinons leur historique et optons pour des mesures réalisables. Nous ne demandons pas aux gens de courir le marathon, de ne manger que des bâtonnets de carotte ou de ne faire que des choses extrêmes. L’idée est de choisir une ou deux choses qu’ils peuvent intégrer dans leur style de vie et qui sont modifiables. Par exemple, certaines personnes ayant plus de 65 ans ont une déficience auditive. Nous savons que l’utilisation d’appareils auditifs ou la mise en place de solutions pour pallier cette déficience donne d’assez bons résultats. Pour certaines personnes, ça peut être l’exercice. Tout le reste semble bien aller. Vous choisissez cette chose, mais vous n’opérez pas un changement suffisant. Il est essentiel d’avoir des attentes réalistes et de se dire : « Peu importe ce que vous faites, faites‑le plus. » Trouvez quelque chose qui vous apporte de la joie, car cela peut réduire plusieurs facteurs de risque modifiables à la fois. Par exemple, si vous pratiquez des activités que vous aimez avec d’autres personnes, vous pouvez faire de l’exercice, réduire l’isolement social et améliorer votre humeur. Ainsi, vous cochez plusieurs cases en ne faisant qu’une seule chose. L’idée est simplement d’intégrer cette chose dans sa vie. C’est pourquoi j’apprécie vraiment ce que Marva a accompli : elle a réussi à intégrer le changement dans son mode de vie.
 
Allison :
C’est ce que nous avons appelé « le mélange » dans quelques‑uns de nos épisodes précédents, et une de nos invitées a appelé ça « mot compte triple », parce qu’on obtient des points multiples pour un seul mot.
 
Tricia :
Ouais. Il faut travailler intelligemment, et non d’arrache‑pied.
 
Jay :
Maintenant, vous devez partager des renseignements avec les personnes qui viennent vous consulter. Elles sont anxieuses. Ces renseignements sont vraiment importants pour elles; cela peut être dur pour elles. J’aimerais savoir en quoi cet aspect de votre travail a une incidence sur vous.
 
Tricia :
Eh bien, comme vous l’avez mentionné, je fais ce travail depuis de nombreuses années, donc je suis devenue à l’aise avec cet aspect. Mais, je pense que ce qui me motive chaque jour, c’est de voir mes patients comme des personnes à part entière. J’adore les histoires, et laissez‑moi vous dire que la plupart de mes patients ont les meilleures histoires. Je commence par établir un lien humain avec eux, puis j’apprends à les connaître en tant que personnes. Aujourd’hui, je les connais en tant que personnes ayant un diagnostic de plus, tout simplement. Lorsque vous les considérez comme des personnes à part entière, des entités globales, et qu’elles le voient, ça leur procure de la joie. Hier, une dame atteinte d’une démence de type Alzheimer est venue à la clinique. Malgré sa maladie, nous avons passé un merveilleux moment à discuter de son récent voyage en Écosse.
Et même si elle ne se souvenait pas de tous les détails, ce sentiment était quand même présent. Également, j’ai tiré de nos échanges quelques conseils de voyage. Ainsi, ça m’apporte véritablement de la joie. On peut trouver de la joie dans ces petits moments. Une autre chose que j’apprécie, c’est de voir de nombreuses personnes venir avec leur famille. Elles sont entourées de leurs enfants et de leurs petits‑enfants. Parfois, il y a tellement de monde qu’il n’y a pas assez de chaises dans la pièce. Cela me fait du bien, car je sais alors que cette personne est aimante et est entourée d’amour et de soutien. Cela me comble de joie.
 
Allison :
Tricia, vous faites ce travail depuis presque vingt ans. C’est formidable de voir comment vous avez évolué au fil du temps dans vos interactions avec les patients. Avez‑vous remarqué des changements dans les questions que les personnes vous posent?
 
Tricia :
Oui, absolument.
Je trouve que tant les patients que leurs proches sont très responsabilisés. Selon moi, cela s’explique par l’énorme quantité de renseignements disponibles aujourd’hui. Souvent, ils arrivent en sachant déjà presque tout. Une des questions que je leur pose en clinique est « Ce diagnostic vous surprend‑il? » Il arrive parfois que la réponse soit oui, mais énormément de personnes, comme les proches, disent « Non, nous le savions bien ». Elles posent de bonnes questions, des questions éclairées. Certaines personnes sont déjà en contact avec des services de soutien communautaires et mettent déjà en pratique bon nombre des choses que je leur dis de faire. Je trouve ça très gratifiant, car ça veut dire que la société en général est à l’écoute.
Les questions que je reçois en ce moment sont extrêmement précises, réfléchies et pertinentes. Nous n’avons pas besoin de rencontres individuelles occasionnelles. La plupart du temps, j’ai deux ou trois personnes en face de moi, et elles me demandent : « D’accord, comment pouvons‑nous faire ceci? Comment pouvons‑nous faire cela? » « J’ai entendu parler de cette nouvelle chose. Que pensez‑vous de cela? » La conversation est à la fois amusante et très stimulante.
 
Allison :
Ouais, et je dois vous remercier Dre Woo pour cette conversation aussi stimulante et réfléchie. J’ai trouvé ça extrêmement encourageant et inspirant. Merci beaucoup de vous être jointe à nous.
 
Tricia :
Merci. Ce fut un immense plaisir.
 
Jay :
La Dre Tricia Woo est professeure à l’Université McMaster, chercheuse au Geras Center et gériatre au Hamilton Health Sciences. Elle nous a parlé depuis Hamilton, en Ontario.
Donc, Allison, nous avons eu deux invitées vraiment, vraiment intéressantes. Que pensez‑vous de ce qu’elles nous ont dit?
 
Allison :
Eh bien, premièrement, je pense que Marva était remarquable. Une chose qui m’a vraiment impressionnée, c’est sa façon de considérer les changements qu’elle a apportés dans sa vie comme un travail d’équipe, comme nous l’avons entendu de la part de Tricia. Selon moi, cela a fait une énorme différence dans sa capacité à apporter ces changements dans sa vie. Et vous?
 
Jay :
Tricia a dit quelque chose qui m’a vraiment marqué. Elle a mentionné que les gènes ne sont pas aussi déterminants qu’on le pense souvent. Lorsque nous avons commencé « Défier la démence » et que nous parlons aux gens, on a vite remarqué que beaucoup accordent trop d’importance aux risques génétiques. Elle a bien précisé que oui, les gènes peuvent être un facteur dans certaines situations, mais elle a ajouté que même s’il s’agit d’un facteur potentiel, il peut être annulé, si je me souviens bien du terme utilisé. On peut l’annuler en modifiant notre mode de vie, comme on l’a évoqué. Elle a tellement insisté là‑dessus que ça m’a vraiment marqué. En tout cas, nos deux invitées étaient remarquables.
 
Allison :
Même en ce qui concerne la démence précoce, Tricia a souligné que c’est en quelque sorte le type de démence où le lien avec les gènes est possiblement le plus important. Elle a expliqué qu’on peut atténuer ce lien au moyen de facteurs liés au mode de vie. Avoir ces gènes ne veut pas dire que l’on est prédestiné à souffrir un jour de la démence, comme nous l’avons dit maintes et maintes fois. Ce qui m’a vraiment inspiré chez Tricia, c’est aussi sa manière d’aborder ses clients et ses patients, cette approche globale dont elle a parlé, qui montre qu’un diagnostic de démence ne définit pas qui on est. Ainsi, vous pouvez défier la démence, mais ce n’est pas la démence qui vous définit.
 
Jay :
C’est une belle phrase, Allison.
Pour en savoir plus sur la façon de réduire le risque de démence ou de ralentir sa progression, rendez‑vous au https://www.baycrest.org/podcast‑fr.
 
Allison :
Vous y trouverez tous les autres épisodes de la série, ainsi que nos vidéos, du contenu infographique et d’autres ressources.
 
Jay :
Notre équipe de production pour ce balado est composée de Rosanne Aleong et Sylvain Dubroqua. Notre réalisateur‑chasseur est Ben Schayb. La production est assurée par Podtex. La musique est de Steve Dodd et le dessin pour la page de couverture est réalisé par Amanda Forbis et Wendy Tilby.
 
Allison :
Un grand merci au Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement, aussi connu sous le nom de CABHI, et à Baycrest pour leur soutien dans ce balado.
 
Jay :
Votre soutien est lui aussi grandement apprécié. Pour suivre Défier la démence, cliquez sur le bouton d’abonnement sur Spotify, Apple Podcasts, Google Podcasts ou toute autre plateforme où vous écoutez vos balados.
 
Allison :
Rejoignez‑nous pour le prochain épisode de Défier la démence. Nous aborderons le risque accru de démence chez les femmes, explorerons pourquoi les deux tiers des cas de démence concernent des femmes et discuterons des moyens possibles pour réduire ce risque.
Je m’appelle Allison Sekuler.
 
Jay :
Je m’appelle Jay Ingram. Merci d’avoir écouté Défier la démence. Et n’oubliez pas : il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.