Écouter À proposde nous Ressources supplémentaires Versionanglaise Donner Gill : Il y a une chose que j’aimerais que les gens retiennent. J’aimerais qu’ils sachent qu’il y a une foule de choses que l’on peut faire pour réduire son risque de démence. Même si tout le monde ne réussira pas à éviter cette maladie, ces actions permettent de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Jay : Vous venez d’entendre la Dre Gill Livingston, une chercheuse renommée dans le domaine de la démence. Elle dirige une équipe mondiale qui dispose de preuves scientifiques montrant que des changements au mode de vie peuvent considérablement réduire notre risque de démence. Aujourd’hui, elle est ici pour nous dévoiler ses toutes dernières découvertes. Allison : Bienvenue à Défier la démence, le balado pour quiconque a un cerveau. Jay : Adopter un mode de vie qui maintient votre cerveau en santé et qui réduit le risque de démence : c’est ce que vise Défier la démence. Car la démence ne dépend pas seulement des gènes. La génétique peut jouer un rôle, mais des facteurs de risque liés au mode de vie tels qu’une mauvaise alimentation, l’isolement social et la solitude jouent un rôle déterminant. Allison : De plus, d’après les toutes dernières preuves, les chercheurs affirment maintenant que des changements de mode de vie sains pourraient réduire d’au moins 45 % les cas de démence à l’échelle de la planète. Jay : Oui, quelque chose a changé. Au début des épisodes précédents, nous avions dit que les changements sains pouvaient réduire de 40 % les cas de démence à l’échelle mondiale, mais une nouvelle étude scientifique majeure fait passer cette statistique à 45 %. Allison : Autrement dit, nous pouvons désormais affirmer que près de la moitié des cas de démence à l’échelle planétaire pourraient être évités ou retardés grâce à des changements de mode de vie sains. Jay : Aujourd’hui à Défier la démence, nous vous donnons l’exclusivité de cette toute nouvelle étude qui vient d’être publiée. Allison : Il s’agit d’un rapport de la Lancet Standing Commission on Dementia Prevention, Intervention, and Care. Pour être concis, nous utiliserons simplement le nom de la Commission Lancet. Jay : Et aujourd’hui, notre invitée spéciale est la scientifique à la tête de la Commission Lancet. Je m’appelle Jay Ingram. Je suis journaliste scientifique. J’écris sur la démence et j’en parle depuis plus de 25 ans. Allison : Je m’appelle Allison Sekuler. Je suis présidente et scientifique en chef à l’Académie de recherche et d’éducation Baycrest et au Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement. Jay : Joignez-vous à nous pour défier la démence. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau. Allison : Savez-vous d’où vient la phrase « Il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau »? Elle découle en grande partie d’un des messages clés mis de l’avant par une équipe de scientifiques influente qui a repensé notre conception de la démence. Jay : Cette équipe s’appelle Commission Lancet parce qu’elle publie ses rapports dans The Lancet, une revue médicale anglaise réputée. Le premier rapport a paru en 2017. Il présentait des preuves que les gens, à tout âge, pouvaient apporter des changements à leur mode de vie susceptibles de retarder, voire de prévenir l’apparition de la démence. Allison : D’autres scientifiques en ont parlé, mais la Commission Lancet a réuni et codifié toutes les preuves dans un rapport exhaustif. Jay : À intervalles de quelques années, la Commission examine toutes les recherches menées dans le monde. Ce n’est que lorsque le consensus est établi sur la solidité des preuves, souvent fondées sur des études combinées ayant fait appel à des millions de personnes, qu’un facteur de risque est inclus au rapport. Allison : Le premier rapport de la Commission Lancet, publié en 2017, comportait seulement neuf facteurs liés au mode de vie contribuant au risque de démence : apprentissage limité durant l’enfance, manque d’exercice, activités sociales limitées, usage du tabac, perte auditive, dépression, diabète, hypertension artérielle et obésité. Jay : La Commission a recommandé aux gens du monde entier d’être ambitieux en matière de prévention de la démence, de modifier leur mode de vie pour réduire ces facteurs de risque, et a demandé aux gouvernements et aux autorités de la santé de diffuser le message. Ce balado fait partie de cette initiative. Allison : En 2020, la deuxième Commission Lancet a ajouté trois nouveaux facteurs de risque à sa liste : la consommation excessive d’alcool, les traumatismes cérébraux et la pollution atmosphérique. Jay : Et maintenant, la Commission vient de publier un nouveau rapport présentant deux nouveaux facteurs de risque. Nous les dévoilerons un peu plus tard dans l’émission, mais d’abord, accueillons l’invitée spéciale d’aujourd’hui. Allison : La Dre Gill Livingston est professeure de psychiatrie gériatrique au University College de Londres, au Royaume-Uni. Elle mène des recherches sur la prévention de la démence, mais a pratiqué la médecine sur le terrain tout au long de sa carrière. Elle travaille dans une clinique spécialisée en démence où elle pose des diagnostics pour des cas soupçonnés et annonce les diagnostics de démence aux patients et à leurs familles. Tant dans ses recherches que dans sa pratique clinique, Gill cherche des moyens d’aider les patients et les proches aidants à faire face à la dépression, à mieux dormir et à vivre plus sainement en général. Et, bien sûr, elle est la chercheuse principale de la Commission Lancet. Gill Livingston nous parle depuis Londres. Gill, merci énormément de nous aider à défier la démence. Gill : Merci beaucoup de m’avoir invitée à ce balado. Allison : Avant de parler du dernier rapport et des nouveaux facteurs de risque, j’aimerais savoir ce qui a éveillé votre intérêt pour la démence, tant dans vos recherches que dans votre travail auprès des personnes atteintes de cette maladie. Gill : Lorsque j’étais jeune médecin, il y a longtemps, je travaillais dans un ancien hôpital qui, je pense, était le plus grand hôpital psychiatrique de Grande-Bretagne. L’hôpital a fermé quelques années plus tard. Les personnes atteintes de démence que j’allais voir étaient dans des chambres de type Nightingale. Je ne sais pas si vous connaissez ce type de configuration en Amérique. C’était de grandes salles où l’on pouvait tirer des rideaux tout autour, mais personne n’avait de chambre individuelle ni de salle de bain individuelle. Il n’y avait aucune intimité. C’était en somme un endroit où l’on entreposait les gens. Je me disais : « Il doit exister quelque chose de mieux. Des gens qui vivent normalement leur vie puis qui développent une démence ne devraient pas se trouver dans de telles conditions, sans intimité, sans dignité humaine, sans occupation. » J’étais très attristée par ce que je voyais et je pensais qu’il fallait que cela change. Je suis heureuse de dire que, bien que je ne sois pas la seule à en être responsable, les choses ont énormément changé. Personne n’envisagerait de s’occuper de personnes dans de telles conditions de nos jours. Allison : Nous avons lu que vos deux parents ont reçu un diagnostic de démence après que vous avez commencé à étudier cette maladie. Est-ce que cela a eu une incidence sur la façon dont vous abordez votre travail? Gill : Je pense que cela a davantage influencé ma manière d’aborder mes parents. C’est assez longtemps après le début de ma carrière, lorsque mes parents allaient bien. J’avais discuté avec eux, alors qu’ils vieillissaient, de la nécessité d’envisager une procuration réciproque et éventuellement de nommer l’un de leurs enfants ou petits-enfants pour s’occuper de leurs affaires en cas de besoin. Plus tard, mon frère aîné et moi avons essayé d’aider ma mère à déménager dans un endroit sûr où elle aurait le plus de liberté possible. Nous étions vraiment inquiets qu’elle puisse causer un incendie, ce qui aurait été dangereux pour elle et pour ses voisins. Lors de ces discussions, elle nous a accusés de vouloir prendre son argent. Mon frère était très contrarié et offensé et m’a dit « Il faut arrêter ça. Nous devons cesser de nous occuper d’elle. » Je comprenais que c’était la démence qui parlait, et non elle. Elle nous faisait confiance quand elle allait bien. Quand elle allait bien, elle organisait à l’avance. C’était la démence qui parlait. Il est toutefois désagréable d’entendre sa mère vous accuser de vouloir lui prendre son argent. Nous avons cessé d’en parler et nous sommes revenus plus tard, à un autre moment, et elle n’en parlait plus. Après l’avoir aidée à déménager dans ce nouvel établissement, il s’est passé quelques années où elle a été très heureuse et où elle recevait davantage d’aide. Jay : Gill, dans le rapport de la Commission Lancet de 2024, le pourcentage de cas potentiels de démence pouvant être éliminés par des changements de mode de vie est passé de 40 % à 45 %. Qu’est-ce qui explique cette hausse? Gill : Eh bien, pendant les travaux de la commission, nous examinons les facteurs de risque potentiels pour déterminer s’ils dépassent le seuil nous permettant de les inclure dans le rapport. Je suis heureuse de dire qu’il y a eu beaucoup de recherches sur la démence au fil des ans et que la situation a beaucoup changé. Ainsi, nous avons pu inclure deux nouveaux facteurs de risque. Nous estimons désormais qu’il y avait des preuves suffisantes et convaincantes. Ces nouveaux facteurs sont le taux élevé de cholestérol et la perte de vision. L’ajout de ces deux facteurs de risque a contribué à une augmentation de 7 %, mais nous avons également réexaminé tous les autres facteurs. Nous étions contents de voir que le nombre de fumeurs à l’échelle mondiale était en baisse et que le niveau d’instruction dans le monde était en hausse. Ainsi, les répercussions de l’instruction et du tabagisme sur la population ont toutes deux diminué, mais nous avons ajouté deux nouveaux facteurs de risque, ce qui a porté le pourcentage à 45 %, voire légèrement au-dessus. Allison : Ainsi, si l’on considère la perte de vision comme un facteur de risque potentiellement modifiable, que sait-on du lien entre la perte de vision et la démence? Gill : Je pense que nous savons très peu de choses à l’heure actuelle. Selon moi, les preuves sont convaincantes, car de nombreuses études montrent un lien consistant. Je vous regarde, je sais qu’on ne nous voit pas, mais pour nos auditeurs, je tiens à préciser que vous portez tous les deux des lunettes. Donc, ce n’est pas la perte de vision elle-même, car vous avez corrigé votre vision. Le facteur de risque est la perte de vision non corrigée. Nous pensons que cela est lié à des éléments comme la stimulation cérébrale. Avec une bonne vision ou une vision corrigée, on peut lire, sortir, faire des activités et bénéficier ainsi de stimulations sociales et physiques. En revanche, les personnes ayant une mauvaise vision ont tendance à éviter les sorties, à rester seuls, et n’ont certainement pas l’habitude d’aller se promener, car elles risquent de tomber. Nous pensons que la perte de vision entraîne des changements dans les activités cognitives, physiques et sociales, et nous émettons l’hypothèse – bien que nous ne le sachions pas encore avec certitude – que cela pourrait, comme dans le cas de l’audition, conduire à un rétrécissement de certaines zones du cerveau. Allison : Je suis formée en sciences de la vision. Ainsi, au nom de toute la communauté des sciences de la vision, je tiens à vous remercier d’avoir sensibilisé le public grâce à la Commission Lancet; la perte de vision est désormais officiellement reconnue comme un facteur de risque modifiable de la démence. Jay : Gill, qu’en est-il du cholestérol? Quel rôle joue-t-il dans ce contexte? Selon vous ou selon la Commission, quel effet a-t-il sur le cerveau? Gill : Nous pensons que le cholestérol agit de plusieurs manières. Comme vous et vos auditeurs le savez sans doute, le cholestérol, ou mauvais cholestérol, également appelé cholestérol LDL, est un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires, en favorisant le dépôt de graisses dans les artères cardiaques. En général, c’est un facteur de risque pour les maladies cardiaques et cérébrovasculaires pouvant conduire à des AVC majeurs, mais aussi à de petits AVC, ce que les gens ne savent pas. Les personnes ne sont pas conscientes de leur présence. Ils sont très petits et ne peuvent être détectés que par imagerie par résonance magnétique. Nous pensons donc que ces petits AVC font partie des facteurs de risque de la démence. De plus, le cholestérol semble entraîner une augmentation des niveaux de protéines amyloïdes et tau, qui sont les protéines les plus associées à la maladie d’Alzheimer. Nous pensons que le cholestérol agit par plusieurs mécanismes. Jay : C’est intéressant, car la nutrition n’est généralement pas considérée comme un facteur de risque, alors que le cholestérol LDL, le diabète et l’hypertension artérielle sont sur la liste. On pourrait penser que tous ces facteurs sont liés à la nutrition. Alors pourquoi la nutrition n’est-elle pas incluse dans la liste? Gill : Eh bien, la nutrition est très complexe. Ce n’est pas aussi simple qu’une seule mesure. Par exemple, ce que vous mangez est lié à l’obésité, qui est à son tour associée au diabète et à l’hypertension. Bien qu’il existe un lien entre ces conditions et un taux élevé de cholestérol, ce lien n’est pas direct. Vous pouvez avoir un taux élevé de cholestérol même si vous êtes mince et que vous mangez bien. Il y a d’autres causes, mais nous savons que, de manière générale, les personnes ayant une alimentation équilibrée dès leur jeunesse ont moins de risque de développer une démence. Toutefois, des essais cliniques utilisant une vitamine ou un régime en particulier ont donné des résultats négatifs, écartant ainsi d’autres hypothèses. Ainsi, je pense qu’il est difficile d’être certain que la nutrition, par opposition à quelque chose qui pourrait vous rendre obèse, a une incidence directe. Peut-être que oui, mais il faudrait en savoir beaucoup plus. C’est tellement complexe. Ce que l’on mange, quand on le mange et la durée que nous le mangeons [ont de l’importance]. Allison : Vous disiez que les vitamines ou les suppléments pris individuellement n’ont pas fonctionné, mais pensez-vous qu’il y ait de l’espoir avec des combinaisons? Gill : Eh bien, il y a toujours de l’espoir, n’est-ce pas? Mais rien n’a encore fonctionné. En général, il est clair qu’une saine alimentation est bonne pour la santé. Il est aussi bon d’avoir une alimentation variée. Consommer une grande variété de fruits et de légumes est généralement bon pour la santé et les personnes en bonne santé physique ont une meilleure résistance aux pathologies du cerveau. Mais, encore une fois, c’est un mécanisme très indirect. Cela dit, nous encourageons vivement les gens à bien manger. Allison : D’accord, c’est rassurant. La Commission souligne maintenant l’importance de chaque facteur de risque à différents stades de la vie. Par exemple, vous avez mentionné l’audition et la vision. Le rapport de la Commission indique que l’audition est un facteur clé en milieu de vie, tandis que la vision le devient plus tard. Qu’est-ce qui détermine le moment où chaque facteur de risque entre en jeu? Gill : En réalité, ce que nous rapportons, c’est le moment où la preuve se manifeste. Certains facteurs de risque qui sont importants à un stade de la vie pourraient l’être à d’autres moments, mais nous n’avons pas encore de preuves. Il est intéressant de noter que certains d’entre eux ont évolué. La démence se développe sur plusieurs années; ce n’est pas une maladie que l’on développe du jour au lendemain. Au fur et à mesure que la démence progresse, les personnes commencent à perdre du poids et leur pression artérielle commence à diminuer. Ainsi, l’obésité et l’hypertension en milieu de vie sont incontestablement des facteurs de risque. Mais, à un âge avancé, les personnes qui développent une démence perdent du poids et leur pression artérielle diminue. Cela complique les choses, car les personnes qui sont encore obèses et dont la pression artérielle est encore élevée ne développent pas encore la démence, mais il est tout de même préférable qu’elles aient une pression artérielle normale et un poids santé. Il est regrettable que maigrir involontairement à cause de la maladie soit perçu négativement, alors que maigrir intentionnellement est probablement considéré comme positif. Allison : Même si un facteur est classé comme étant propre au milieu de la vie ou à la fin de vie, ça ne veut pas dire qu’il faille l’ignorer à d’autres moments, n’est-ce pas? Par exemple, l’apprentissage durant l’enfance est considéré comme un facteur de « début de vie », mais le rapport suggère maintenant que l’apprentissage tout au long de la vie peut être bénéfique. Est-ce exact? Gill : Tout à fait. Notre stimulation cognitive n’a pas à être l’apprentissage. Je trouve cela très intéressant, car, pendant longtemps, nous n’avons pas pu vraiment dissocier si c’était simplement parce que les personnes plus instruites choisissaient des professions plus stimulantes sur le plan cognitif, ou si elles étaient plus susceptibles d’exercer une telle profession. Maintenant, grâce à ces grandes cohortes d’étude, nous pouvons voir que les personnes sans instruction et ayant une profession cognitivement stimulante bénéficient également d’une certaine protection. Jay : Gill, vous avez mentionné plus tôt que la diminution du tabagisme avait réduit l’ampleur du risque associé au tabagisme. Pensez-vous que les 14 risques nommés jusqu’à présent forment une sorte d’ensemble dynamique? À mesure que ces renseignements seront rendus publics et surtout si le public réagit, y aura-t-il des changements à tous les niveaux, avec certaines baisses et certaines hausses? Gill : Je l’espère vivement. Je présume que l’objectif n’est pas seulement d’observer les données, mais de provoquer des changements. Ainsi, je pense que nous donnons aux personnes des renseignements qui leur permettent de faire des choix. Cependant, il ne s’agit pas seulement des choix individuels; les politiques publiques jouent également un rôle crucial. Nous n’avons qu’à penser à la pollution atmosphérique : il est difficile de la réduire par nous-mêmes. Nous savons également que la présence d’espaces verts sécuritaires incite les gens à se promener davantage, souvent en compagnie d’autres personnes, et nous savons que cela change énormément de choses. J’espère vivement que tous ces facteurs contribueront à un changement positif. Jay : En ce qui concerne les ajouts futurs à la liste de la Commission Lancet, pensez-vous que nous verrons globalement plus d’autres facteurs de risque au fil du temps? Pourrait-on atteindre un jour 20 facteurs de risque, au lieu de 14? Gill : Je pense que la réponse est oui. Je veux dire, une des choses valorisantes à propos de la Commission est que de nombreux autres chercheurs lisent notre rapport, regardent les éléments de preuve où nous avons constaté des lacunes, et commencent à travailler sur ces points. Cela s’est transformé en un véritable effort collectif, et nous recevons beaucoup plus de renseignements. Nous avons déjà une liste complète de facteurs que nous avons envisagés, mais pour lesquels nous avons estimé qu’il n’y avait pas encore assez de preuves. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas importants. Ils pourraient l’être, ou ne pas l’être. J’espère sincèrement que lors de la prochaine commission, nous aurons suffisamment de preuves pour évaluer la majorité de ces facteurs, et qu’il émergera de nouveaux éléments que nous n’avions pas encore envisagés. Ainsi, oui, je pense que nous verrons davantage de facteurs de risque et de démences potentiellement évitables. De plus, j’espère sincèrement que le nombre de cas de démence continuera à diminuer à la fois tant dans les pays à revenu élevé que dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Jay : Nous avons vu dans ce dernier rapport que la proportion de risques pouvant être évités est passée de 40 % à 45 %. Pensez-vous que ce chiffre pourrait également augmenter? Gill : Selon moi, il est presque inévitable que ce chiffre augmente si de nouveaux facteurs de risque sont identifiés. Donc oui, je m’attends à ce qu’il augmente, même si j’espère que certains facteurs de risque diminueront en devenant moins fréquents. Allison : D’après votre expérience en tant que clinicienne, chercheuse et responsable de la Commission Lancet, que pensez-vous que l’avenir nous réserve en matière de prévention de la démence? Gill : Je suppose que c’est plus un espoir qu’une certitude. J’espère que l’Organisation mondiale de la Santé ajoutera la démence aux principales maladies non transmissibles auxquelles tous les gouvernements devraient prêter attention, car je pense que les gouvernements ont, de par leur nature, beaucoup plus de pouvoir que les personnes pour faciliter les changements. J’espère également que les gens cesseront de dire qu’il n’y a rien à faire pour prévenir la démence. Jay : Gill, y a-t-il un élément du rapport de la Commission que vous aimeriez particulièrement que les gens retiennent? Gill : Oui, il y a quelque chose que j’aimerais que les gens retiennent. J’aimerais qu’ils sachent qu’il y a une foule de choses que l’on peut faire pour réduire son risque de démence. Même si tout le monde ne réussira pas à éviter cette maladie, ces actions permettent de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Et, pour ce qui est des personnes qui développent la démence, la période de maladie sera plus courte. Le reste n’est que des commentaires. Vous pouvez aller les lire. Tout le monde peut les lire. Jay : Gill, pour ce qui est de l’expression « Médecin, guéris-toi toi-même », dans quelle mesure mettez-vous en pratique les conseils que vous donnez? Je pose cette question sur un ton blagueur, sans aucune intention critique. Gill : Je ne me sens pas critiquée. Jay : Parfait. Alors, dans quelle mesure mettez-vous en pratique ce que vous prêchez concernant la réduction du risque de démence? Gill : J’en fais beaucoup, je dirais. Si vous regardez mon poignet, vous verrez que je porte un appareil Fitbit. J’essaie de faire au moins 10 000 pas par jour. Je n’y parviens pas toujours, mais c’est fréquent. J’ai une entraîneuse personnelle avec qui je soulève des poids. Je le fais, car, premièrement, elle est bien meilleure que moi à cet exercice et, deuxièmement, mon instinct me pousse à m’étendre sur le canapé et à manger du chocolat, ce qui n’est pas bon pour moi. Je porte des lentilles de contact bifocales et des appareils auditifs. Je suis allée récemment chez mon médecin, et heureusement, mon cholestérol et ma pression artérielle sont normaux, mais je les surveille. Si ces valeurs augmentent, je prendrai les mesures nécessaires. Ainsi, je regarde tous ces éléments et mon travail est, heureusement, très stimulant sur le plan cognitif. J’ai aussi la chance d’avoir une famille nombreuse et stimulante et de nombreux amis. J’essaie de demeurer active socialement. Je fais de mon mieux dans tous ces domaines. Je préférerais ne pas développer une démence. Si jamais je développe la démence, j’aimerais qu’elle survienne tardivement et que je puisse vivre longtemps et en meilleure santé, plutôt que de vivre longtemps en mauvaise santé. Jay : Vous dites que vous faites de votre mieux, mais je pense que vous en faites beaucoup. Gill, merci beaucoup de nous avoir parlé. Nous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez accordé. Gill : Ça me fait plaisir. Merci beaucoup de m’avoir invitée et de contribuer à ce que nous tentons tous de faire, c’est-à-dire informer les gens et leur offrir des choix. Je vous remercie. Allison : Merci. Jay : La Dre Gill Livingston est une universitaire clinicienne et professeure de psychiatrie gériatrique au University College de Londres. Elle est la chercheuse principale de la Commission Lancet et nous a parlé depuis Londres. Allison, Gillian Livingston est vraiment remarquable, tant comme invitée au balado que comme personne. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué? Qu’avez-vous retenu de ses propos? Allison : Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est lorsqu’elle a dit que des chercheurs en démence du monde entier consultent le rapport de la Commission Lancet et que cela aide à orienter les recherches futures. C’est absolument vrai. En tant que chercheuse dans le domaine de la vision, j’ai été très enthousiaste à l’idée que cela puisse conduire à davantage de recherches sur le lien entre la perte de vision et la démence. Une autre chose qui m’a frappée, c’est lorsqu’elle a mentionné que nous portons tous les deux des lunettes et n’avons donc pas de perte de vision non traitée, ce qui est le véritable facteur de risque. C’est très important. C’est un aspect du rapport que nous n’avons pas vraiment abordé. Il faut être conscient que tout le monde n’a pas accès à des soins de la vue. C’est très important. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à des lunettes. Dans certaines régions du monde, même de jeunes enfants dont la perte de vision pourrait être facilement corrigée par des lunettes appropriées n’ont pas accès aux soins nécessaires. J’espère que cela sensibilisera davantage de personnes à ces actions simples que nous pouvons faire. Pas besoin d’un entraîneur pour faire de l’exercice. Il s’agit simplement de faire vérifier sa vision, de s’assurer d’avoir la bonne prescription et de traiter toute cataracte ou tout autre problème dès que possible. Alors, qu’est-ce qui vous a marqué? Jay : Eh bien, pour faire suite à ce que vous venez de dire, l’étude souligne que, dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la situation est très différente de ce que l’on connaît. Après, il y a aussi la difficulté d’accès aux lunettes. C’est encore plus vrai pour les appareils auditifs. Nous savons déjà que la perte auditive non traitée constitue un facteur de risque très important de la démence. Or, nous savons que, par exemple, en Amérique du Nord ou dans l’Union européenne, l’accès à des appareils auditifs est relativement facile. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Donc, c’est un problème mondial. Allison : Tout à fait. Jay : Je pense qu’il vaut vraiment la peine de le souligner. Quoi d’autre avez-vous appris? Allison : Quand nous avons parlé du lien existant entre la perte auditive et de vision et le cholestérol LDL, Gillian a abordé les répercussions que ces différents facteurs peuvent avoir sur le cerveau. Ce qui était vraiment intéressant, c’était d’apprendre qu’il n’y a pas d’approche universelle. En fait, les facteurs de risque n’ont pas les mêmes répercussions sur le cerveau. Avec une perte de vision ou une perte auditive, il peut être plus difficile de comprendre l’information. Cela augmente la charge cognitive, comme il a été abordé dans [notre épisode précédent]. De plus, cela fait qu’il est plus difficile pour les gens d’interagir, de sortir et de réellement tirer profit de certains des autres changements du mode de vie. Le cholestérol LDL et certains autres facteurs de risque ont un effet plus direct. Ils pourraient être plus directement liés au développement de l’amyloïde et de la protéine tau dans le cerveau, ou à l’inflammation cérébrale. Ainsi, les changements que vous pouvez apporter à votre mode de vie ont diverses répercussions sur votre cerveau. J’ai trouvé cela vraiment fascinant. Jay : Pour moi, ça fait ressortir à quel point ce schéma est dynamique. Comme vous l’avez dit, ces différents facteurs de risque ont des répercussions différentes sur le cerveau. Ce n’est pas simplement une relation de cause à effet. C’est un tableau très dynamique. Il y a également les changements dans le nombre de facteurs de risque depuis 2017. Je suis vraiment contente de l’avoir interrogée, car je suis la Commission Lancet depuis le début, et la liste ne cesse de s’allonger. C’est le point que nous avons abordé, mais il y a également des changements. Certains risques sont ralentis ou atténués parce que les gens agissent pour les réduire. Et c’est la clé, n’est-ce pas? Que les gens agissent sur eux. Comme vous l’avez dit au tout début, Gillian Livingston est une personne très remarquable. Non seulement elle connaît bien les risques, mais elle agit sur bon nombre d’entre eux. Allison : Oui. Par exemple, lorsqu’elle parle du tabagisme, le risque associé a diminué au fil des ans, parce que les gens agissent et fument moins. C’est une excellente nouvelle. L’autre chose qu’elle a soulignée est que, comme vous venez de le mentionner, c’est un effet d’une envergure mondiale. Il y a des problèmes, comme la pollution atmosphérique, que nous ne pouvons pas résoudre seuls. C’est pourquoi il est crucial que les gouvernements et les autres groupes de politique prennent des mesures pour agir à l’échelle mondiale. Nous pouvons jouer un rôle. Nous pouvons faire pression sur nos gouvernements et sur des groupes comme les Nations Unies et l’Organisation mondiale de la Santé afin qu’ils prennent des mesures. Également, vous et moi pouvons agir à l’échelle locale. Dans un épisode précédent, nous avons déclaré publiquement certaines des résolutions du Nouvel An. Je pense qu’il est important que nous revenions en arrière pour voir les changements que nous avons faits. Gillian en fait beaucoup, mais en faisons-nous autant que nous le pourrions? Où en êtes-vous maintenant par rapport à ce que nous avions prévu de faire? Si vous ne vous en souvenez pas, je peux vous le rappeler. Jay : Je suis sûr que vous en êtes capable. Je vais perdre beaucoup de crédibilité, mais voici ce que j’ai dit. Si je me souviens bien, je comptais m’investir davantage dans la musique. J’ai joué du violon presque toute ma vie, mais je ne le fais plus. Je dois avouer que je n’ai toujours pas pris le temps de le faire. J’avais également dit que je ferais beaucoup d’exercice en promenant mon chien dans les bois. Et c’est effectivement le cas. J’ai passé trois mois en Ontario, dans les bois, avec mon chien. Chaque jour, je parcourais des sentiers difficiles où je devais faire attention à mon équilibre. Je considère cela comme un point positif avec gratitude. Enfin, j’avais dit que je commençais à me lasser de jouer à Wordle chaque matin. J’étais un peu agacé par le robot de Wordle qui te dit à quel point tu es stupide, et bien que je sois encore en train de canaliser ma frustration sur le robot, je joue encore à Wordle. Je joue également à Connections. Bref, j’aimerais maintenant entendre parler de vos résolutions du Nouvel An. Allison : Oui, mes résolutions n’avaient rien à voir avec Wordle ou Connections, mais je joue à ces jeux. Il y a aussi un autre jeu vraiment amusant qui s’appelle Strands. Vous devriez aussi y jeter un coup d’œil. Et, bien sûr, nos auditeurs devraient essayer Kanoku, notre version du Sudoku sur le thème de la santé cérébrale. C’est un autre bon jeu. Donc, Jay, si vous ne l’avez pas encore essayé, ce serait intéressant de le faire. Jay : Oui. D’accord. Ce sera une résolution pour l’année prochaine. Allison : Ainsi, parmi mes résolutions, j’avais déjà commencé à travailler sur une routine de soins de la peau. Ça peut sembler étrange comme outil de prévention pour la santé cérébrale, mais j’ai adopté cette résolution parce que cela me faisait sentir mieux dans ma peau, et m’aidait à sortir et à interagir davantage. Cette routine est maintenant bien ancrée dans mon quotidien. Mon principal objectif était vraiment de tenter d’améliorer mon sommeil. C’est un problème avec lequel je lutte depuis de nombreuses années. Ces derniers mois, j’ai trouvé une combinaison de choses qui ne fonctionne pas toujours, mais qui est beaucoup plus efficace pour moi. J’utilise ma montre Apple pour surveiller mon sommeil, notamment pour voir quand je suis dans un sommeil profond. Je peux voir et quantifier cela. Ça change la donne. Ce que je fais maintenant, et cela semble si simple avec le recul, je me sens idiote de ne pas l’avoir fait plus tôt, mais ma routine de soins du visage fait désormais partie de ma routine nocturne, ce qui indique à mon cerveau qu’il est temps de se coucher. C’est la première partie. Je me suis mise à pratiquer une forme de méditation de pleine conscience juste 5 à 10 minutes avant de me coucher, ce qui m’aide à être dans le bon état d’esprit. La chose la plus importante que je fais est de résister à l’envie de regarder mon téléphone si je me réveille en pleine nuit. Avant, je me réveillais et je me disais « je vais seulement vérifier une chose », ou je recevais une notification, souvent un score de Wordle venant de notre groupe de discussion familial. Je m’enfonçais alors dans ce puits sans fond. Un lien entraînant un autre, puis, avant même de s’en rendre compte, on reste accroché au téléphone au lit. C’est du moins ce qui m’arrivait, durant une heure. Ensuite, il est impossible de se rendormir. Donc, j’essaie tant bien que mal de résister à l’envie d’utiliser mon téléphone au lit. Grâce à cette combinaison de changements, je dors beaucoup mieux. Quand on utilise Apple Fitness ou une autre application de suivi, on reçoit une petite récompense quand on s’améliore sur un point. J’ai reçu une récompense pour avoir amélioré mon sommeil, ce qui a été très gratifiant. Enfin, comme vous, j’avais dit que je ferais plus de choses liées à la musique. Je ne joue pas de la batterie chaque jour, mais je fais un réel effort pour écouter de la musique. Une chose que je n’avais pas mentionnée, mais que je fais, c’est m’efforcer de m’impliquer plus socialement. Écouter toutes les histoires entourant les répercussions de l’engagement social, de l’isolement et de la solitude. Je veux dire, il se passait beaucoup de choses dans ma vie, mais je voulais vraiment faire l’effort de sortir et d’essayer de nouvelles choses. Voilà sur quoi j’ai travaillé. Jay : J’ai vécu à quatre endroits différents dans la dernière année. Est-ce que ça compte? Allison : Je pense que oui. Jay : Je pense que c’est un genre de défi mental. Quoi qu’il en soit, félicitations. Vous avez fait beaucoup de choses. Pas moi. Je vais me rattraper. Et en repensant à notre entretien avec Gillian Livingston aujourd’hui, on peut plaisanter sur nos résolutions, mais c’est le cœur du problème. Ce qui est important, c’est adopter certaines suggestions, peut-être les plus simples au début, car on commence seulement un chemin vers la santé. Qui pourrait être contre ça? Allison : Tout à fait. Pour en savoir plus sur la façon de réduire le risque de démence ou la manière de ralentir sa progression, rendez-vous au https://www.baycrest.org/podcastfr. Jay : Vous y trouverez les autres épisodes du balado, ainsi que nos vidéos, des images infographiques et d’autres ressources. Vous y trouverez également un lien vers la dernière étude de la Commission Lancet. Allison : Notre équipe de production pour ce balado est composée de Rosanne Aleong, Helen Chen et Sylvain Dubroqua. Notre rédacteur et réalisateur-chasseur est Ben Schaub. La production est assurée par PodText. La musique a été composée par Steve Dodd et le dessin pour la page couverture a été réalisé par Amanda Forbis et Wendy Tilby. Jay : Nous tenons aussi à remercier le Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement ainsi que Baycrest, qui ont financé ce balado. Allison : Également, votre soutien est grandement apprécié. Veuillez cliquer sur le bouton d’abonnement pour suivre Défier la démence sur Spotify, Apple Podcasts ou toute autre plateforme où vous écoutez vos balados. N’oubliez pas de laisser un j’aime, un commentaire ou une note de cinq étoiles. C’est très apprécié. Jay : Au prochain épisode de Défier la démence, nous parlerons de vérité et de compassion. L’une des plus grandes difficultés quand on s’occupe d’une personne vivant avec la démence est de savoir comment et quand lui dire la vérité. Par exemple, quand une personne vivant avec la démence ne cesse d’oublier que son conjoint ou partenaire est décédé, quelle est la meilleure façon de la protéger de la douleur causée par cette nouvelle tragique, encore et encore? Allison : Je m’appelle Allison Sekuler. Jay : Et moi, Jay Ingram. Merci d’avoir écouté Défier la démence. Et n’oubliez pas : il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.