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 Rebecca Chopp :
J’ai d’abord consulté une neurologue qui ne me convenait pas. Elle m’a dit que dans trois ans, je ne serais plus capable de boutonner ma chemise ou de me nourrir. C’était encore plus accablant. J’ai demandé de changer de neurologue et j’en ai eu une, qui m’a dit : « Vous savez, certaines personnes vivent désormais avec cette maladie pendant des années si elle est détectée tôt ». Et sa prescription pour moi commençait par les mots suivants : « Vivez dans la joie ».
 
Allison Sekuler :
C’était Rebecca Chopp. Elle a reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer, mais elle met tout en œuvre pour rester en bonne santé et retarder la progression de la maladie en stimulant son cerveau. Vous entendrez son récit inspirant dans une minute.
 
Jay Ingram :
Bienvenue sur Défier la démence, le balado pour quiconque a un cerveau. Pour tout savoir sur la manière de maintenir notre cerveau en bonne santé et de réduire le risque de démence.
 
Allison Sekuler :
La démence n’est pas prédestinée par la génétique. Elle peut jouer un rôle, mais il y a d’autres facteurs de risque comme la perte d’audition ou de vision et le manque d’exercice. Il est toutefois possible de réduire ces risques en changeant de mode de vie. En fait, les scientifiques pensent que les changements apportés au mode de vie pourraient réduire de 40 % le nombre de cas de démence dans le monde.
 
Jay Ingram :
Aujourd’hui, nous parlerons de la façon de maintenir le cerveau en bonne santé et il est prouvé que nous pouvons même cultiver de nouveaux neurones ou des cellules cérébrales en pratiquant des activités mentalement stimulantes. Les experts parlent d’engagement cognitif.
 
Allison Sekuler :
Je m’appelle Allison Sekuler, présidente et scientifique en chef de l’Académie de recherche et d’éducation Baycrest et du Centre d’innovation sur la santé du cerveau et le vieillissement.
 
Jay Ingram :
Je m’appelle Jay Ingram. Je suis un écrivain et communicateur scientifique. Je m’intéresse à la démence à la fois sur le plan personnel et professionnel.
 
Allison Sekuler :
Joignez-vous à nous pour défier la démence.
 
Jay Ingram :
Parce qu’il n’y a pas d’âge pour prendre soin de son cerveau.
 
 
Allison Sekuler :
Que vous soyez jeune ou vieux, l’une des meilleures façons de prendre soin de votre cerveau est de lui faire faire un véritable entraînement mental.
 
Jay Ingram :
Si vous êtes jeune, considérez l’idée radicale que l’école représente un entraînement important. Nous savons que le manque d’éducation dès le plus jeune âge est l’un des principaux facteurs de risque de démence plus tard dans la vie. Il peut augmenter ce risque jusqu’à 7 %. C’est énorme. Restez donc à l’école si vous le pouvez.
 
Allison Sekuler :
Si vous êtes plus âgé ou si vous n’avez pas eu la possibilité de rester à l’école, ne vous découragez pas. Il existe un autre excellent moyen de réduire les risques de démence : faire des activités d’engagement cognitif qui vous stimulent mentalement et qui vous plaisent. Des activités telles que l’artisanat, la lecture, la socialisation ou l’apprentissage d’une langue.
 
Jay Ingram :
Les recherches doivent encore être approfondies, mais des études scientifiques indiquent que l’engagement cognitif est un moyen très prometteur de réduire les risques de démence. Pour les personnes ayant déjà reçu un diagnostic, il existe des preuves que cela peut retarder la maladie, ce qui a attiré l’attention de notre première invitée et a changé sa vie.
 
Allison Sekuler :
Rebecca Chopp a 71 ans. Elle a été ministre ordonnée et administratrice d’université. Tour à tour doyenne, vice-présidente et présidente de plusieurs universités, elle est devenue la première femme à occuper le poste de chancelière de l’Université de Denver.
 
Jay Ingram :
En 2019, sa vie prend un tournant inattendu. Elle reçoit un diagnostic de début de maladie d’Alzheimer, l’une des formes de démence. Elle prend sa retraite de l’Université de Denver et se consacre à ralentir la progression de la maladie en modifiant son style de vie, notamment en pratiquant l’amélioration cognitive. Elle se lance dans une nouvelle carrière de militante et d’éducatrice dans le domaine de la maladie d’Alzheimer. Elle nous rejoint maintenant depuis Denver.
 
Allison Sekuler :
Rebecca, bienvenue à Défier la démence.
 
Rebecca Chopp :
Merci. C’est un plaisir d’être ici.
 
Allison Sekuler :
C’est un honneur de vous avoir parmi nous. Nous aimerions vous parler un peu de l’amélioration cognitive, mais avant cela, j’aimerais que vous nous parliez du moment où l’on vous a annoncé pour la première fois que vous étiez au stade précoce de la maladie d’Alzheimer.
 
 
Rebecca Chopp :
Vous savez, je n’avais pas vraiment beaucoup de symptômes. Je dormais beaucoup, c’est tout. Quand les médecins m’ont dit pour la première fois que je pouvais être atteinte de la maladie d’Alzheimer, je n’arrivais pas à y croire. Ont suivi quatre mois de diagnostics, de scintigraphies cérébrales et tout le reste. Lorsqu’ils ont confirmé que j’étais atteinte de la maladie d’Alzheimer, une déficience cognitive légère, j’ai été dévastée et sous le choc, ma vie a changé en un instant et je suis devenue très triste. Ma mère et mes deux grands-mères étaient atteintes de la maladie d’Alzheimer. Je savais ce qui allait se passer, ai-je pensé.
 
Allison Sekuler :
Après le choc, la tristesse et le deuil qui ont suivi le diagnostic, qu’est-ce qui vous a aidée à prendre une nouvelle direction?
 
Rebecca Chopp :
J’ai eu une neurologue extraordinaire. J’ai d’abord consulté une neurologue qui ne me convenait pas. Elle m’a dit que dans trois ans, je ne serais plus capable de boutonner ma chemise ou de me nourrir. C’était encore plus accablant. J’ai demandé de changer de neurologue et j’en ai eu une, qui m’a dit : « Vous savez, certaines personnes vivent désormais avec cette maladie pendant des années si elle est détectée tôt ». Et sa prescription pour moi commençait par les mots suivants : « Vivez dans la joie ». Elle m’a donné quelques indications sur ce que je devais faire : suivre un régime, faire de l’exercice, etc. C’est ainsi que j’ai commencé à chercher des moyens de ralentir l’évolution de mes symptômes.
 
Jay Ingram :
Pouvez-vous nous donner, Rebecca, des exemples des changements que vous avez été convaincue d’apporter à ce moment-là?
 
Rebecca Chopp :
Oui. Le premier était la créativité. J’aime à penser que j’étais une personne créative en tant qu’administratrice et ministre, mais je n’avais rien fait sur le plan artistique. Je n’avais jamais fait usage de ce que l’on appelle le côté droit du cerveau. Mais il s’avère que l’art, la peinture, le jardinage, la musique, le tricot, le travail du bois, etc., activent différents réseaux neurologiques dans votre cerveau, les étirent et contribuent à maintenir la plasticité du cerveau, alors que les réseaux liés à la mémoire et à la lecture commencent peut-être à s’affaiblir. Il s’agit bien entendu de termes non spécialisés. Et une amie m’a convaincue de me mettre à la peinture.
L’exercice physique en un autre exemple. J’avais toujours fait un peu d’exercice pour lutter contre le stress, mais ma médecin m’a dit qu’il fallait en faire au moins deux heures par jour. Elle a parlé de cardio, de chorégraphie, c’est-à-dire de danse, de kickboxing, de yoga et d’entraînement de la force. Encore une fois, je faisais peut-être 45 minutes, une heure par jour, mais j’avais pris ma retraite. Je me suis donc astreinte à deux heures par jour. D’autre part, j’ai adopté un chien très actif, ce qui me permet de courir, de faire de la randonnée et de marcher avec lui, et je fais aussi de l’entraînement de la force ou de la chorégraphie ou autre chose. Ce ne sont là que deux exemples. Il y a aussi l’alimentation, l’engagement intellectuel et un certain nombre d’autres choses.
 
Jay Ingram :
Je suis très intéressé par le fait que l’on vous ait conseillé de vous mettre à la peinture. Aviez-vous déjà peint auparavant?
 
Rebecca Chopp :
Jamais. En fait, j’étais l’une de ces enfants, vous savez, dont le professeur d’arts plastiques dit, après avoir vu ses petits bonhommes-allumettes : « Ce n’est pas de l’art ». Et peut-être que je n’aurais pas commencé à peindre si mon amie, une artiste, n’était pas intervenue et n’avait pas suggéré cette option, car je lui ai dit que j’avais besoin de faire quelque chose de créatif. J’ai découvert que c’était amusant et j’ai commencé à prendre des leçons. J’ai suivi un cours intitulé « Dessiner pour ceux qui pensent qu’ils ne peuvent pas ». Au début, j’ai dessiné un autre bonhomme-allumette. À la fin du cours, 12 semaines plus tard, je pouvais dessiner un autoportrait assez fidèle. La créativité, comme la lecture ou l’écriture, est donc un processus d’apprentissage.
 
Allison Sekuler :
Vous parlez donc de la lecture et de l’écriture et vous comparez cet apprentissage à celui de la peinture ou du dessin, dans ce cas. Il y a un élément créatif, c’est certain. Considérez-vous maintenant la peinture et ces autres activités créatives comme une amélioration cognitive, une sorte d’entraînement cognitif?
 
Rebecca Chopp :
C’est exact. Tout à fait. Je pense qu’il existe différents types d’apprentissage, différents types de connaissances. Nous le savons, la science enseigne qu’il n’y a pas qu’un seul type de connaissance. Ainsi, l’art, tout comme la musique ou le jardinage, est une façon d’étirer le cerveau. Il s’agit d’apprendre des techniques. On ne fait pas que s’asseoir et peindre un portrait. Il faut apprendre, et je m’efforce constamment d’apprendre de nouvelles techniques.
 
Jay Ingram :
Est-il difficile de se surpasser?
 
Rebecca Chopp :
Oui, mais je pense qu’en abandonnant l’idée de le faire pour gagner sa vie, pour obtenir des diplômes ou pour obtenir l’approbation des gens, c’est beaucoup plus facile. Et je pense que la clé est de trouver quelque chose que l’on aime vraiment. Pour moi, c’est l’art. Pour d’autres, c’est le travail du bois ou le jardinage, par exemple. Je pense que c’est de continuer à apprendre pour étirer son esprit.
 
Allison Sekuler :
Et comment pensez-vous que cet étirement de votre esprit, cette amélioration cognitive comme nous l’appelons, vous aide, aide votre cerveau?
 
Rebecca Chopp :
Je ne suis pas une scientifique technique, mais si j’ai bien compris, il accomplit trois choses. Il contribue à garder le cerveau plastique. Je veux dire, la plasticité du cerveau. Il aide à maintenir la flexibilité du cerveau. Il crée de nouvelles voies. D’après ce que j’ai lu, la combinaison de l’amélioration cognitive par la peinture, le jardinage, etc., et de l’exercice physique crée également ces bonnes substances chimiques qui aident à éliminer les toxines de votre cerveau. Et de nombreux écrivains, comme on le voit tout au long de l’histoire, se promènent, courent ou font quelque chose de physique avant d’écrire. Je constate souvent que si je sors courir ou me promener avec mon chien ou quelque chose de ce genre, je dispose de deux ou trois heures qui sont vraiment propices à la peinture ou à l’écriture. D’après ma propre expérience, oui, le cerveau est plus concentré, moins dispersé.
 
Jay Ingram :
Rebecca, est-il important d’aimer les activités d’amélioration cognitive que vous faites?
 
Rebecca Chopp :
Oui, Jay, je pense que c’est très important. Je veux dire, encore une fois, que vivre dans la joie signifie que pour moi, tout ce que j’essaie de faire, c’est de choisir de trouver des moyens de ressentir ou d’éprouver de la joie. Et ça ne veut pas dire être simplement contente. Je veux parler d’une sorte de béatitude, d’une sorte de permanence, d’une sorte de sentiment de connexion. Nous savons donc que de nombreuses personnes qui reçoivent un diagnostic de démence rencontrent des difficultés à respecter la discipline et sont accablées par le désespoir. Et je pense que la véritable clé de la discipline et de la lutte contre le désespoir, c’est de choisir de trouver des choses qui vous donnent de la joie. Je souhaite donc que… Je veux dire, j’aime la musique. J’aime écouter de la musique, mais je ne suis pas une grande chanteuse. J’aime vraiment la peinture, je peux donc faire cela et le faire régulièrement. Je pense donc qu’il est essentiel de trouver des choses que l’on aime faire.
 
Allison Sekuler :
Outre le conseil de trouver quelque chose qui vous apporte de la joie et que vous aimez vraiment, avez-vous d’autres conseils à donner aux gens, qu’ils aient un diagnostic ou non, sur la manière de rehausser l’amélioration cognitive?
 
Rebecca Chopp :
Oui. Nous avons parlé de créativité, d’exercice physique et je pense qu’une alimentation saine pour le cerveau est extrêmement importante. En fait, ma merveilleuse neurologue, cette dame pleine d’amour et de joie, m’a dit de m’assurer que je planifiais et cuisinais plusieurs repas par semaine selon ce nouveau régime afin de contribuer à mon amélioration cognitive. Il en est ainsi. Par exemple, je ne savais pas grand-chose de la cuisine indienne. Eh bien, la nourriture indienne est fabuleuse pour le cerveau. Le curcuma est une épice connue pour chasser les mauvaises toxines. Et puis toutes les légumineuses, les bons légumes et les autres bonnes épices, c’est fabuleux.
 
Allison Sekuler :
Dernière question : qu’il s’agisse de cuisine ou d’une autre forme d’amélioration cognitive, recommandez-vous aux gens d’attendre d’avoir reçu un diagnostic de démence pour s’y mettre, ou est-ce une chose à laquelle ils doivent penser avant même d’avoir reçu un diagnostic?
 
Rebecca Chopp :
Je pense que tout le monde devrait commencer. Je pense que c’est un mode de vie sain, qui permet d’éviter le stress. Bien sûr, vous allez être stressés au travail, élever des enfants est stressant et nous sommes tous stressés, mais pour essayer de minimiser le stress et d’avoir autant de joie que possible, adoptez un régime alimentaire sain pour le cerveau. Je voudrais mentionner deux autres choses qui ont été importantes pour moi. La première est l’engagement social et communautaire. Je pensais que c’était uniquement pour lutter contre la dépression, mais j’ai ensuite appris que la dépression elle-même est un problème cognitif. Le fait de converser avec des amis ou de faire partie d’une communauté favorise également votre amélioration cognitive. Je me suis beaucoup impliquée dans la défense des intérêts des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Encore une fois, je suis en apprentissage constant, je rencontre constamment de nouvelles personnes, mais cela constitue en soi une amélioration cognitive. Je crois aussi, et je sais que ce n’est pas du goût de tout le monde, à une certaine forme de spiritualité. De nombreuses recherches intéressantes ont été menées sur des sujets tels que la méditation, la prière et la spiritualité en tant que moyens de garder le cerveau en bonne santé.
 
Allison Sekuler :
Rebecca, vous avez apporté de nombreuses modifications à votre mode de vie depuis votre diagnostic, et je me demande quel est le bilan de votre santé après tous ces changements.
 
Rebecca Chopp :
Les calculs sont un peu aléatoires, mais la première neurologue que j’ai vue m’a dit qu’après trois ans, je ne pourrais plus boutonner mes vêtements. Nous sommes quatre ans plus tard et je viens de terminer l’écriture d’un livre. Je conduis toujours. J’espère faire partie des personnes qui, en continuant à modifier leur mode de vie, ne présenteront pas de symptômes pendant encore sept à dix ans. J’ai une amie qui a vraiment arrêté de conduire et qui a maintenant un peu plus de mal à parler, elle est atteinte de cette maladie depuis 12 ans. Elle était infirmière et savait intuitivement comment modifier son mode de vie. À ma connaissance, l’espérance de vie la plus longue est d’environ 20 ans. Mon espoir, mon désir, ma conviction, c’est que je puisse encore vivre sept à dix ans sans troubles cognitifs graves.
 
Allison Sekuler :
De toute évidence, vous pensez que les changements que vous avez apportés à votre mode de vie, y compris ces approches supplémentaires d’amélioration cognitive, vous ont permis de gagner du temps. C’est bien cela?
 
Rebecca Chopp :
Oh oui. Et je pense qu’il y a beaucoup de recherches qui montrent que cela n’arrive pas à tout le monde. Encore une fois, parce que les gens sont uniques, certains ont besoin de cinq ou six ans, d’autres de dix ans. Mais je pense que ces améliorations du mode de vie peuvent prolonger le bien-être cognitif et vous donner de merveilleuses années d’engagement, de joie et de bien-être.
 
Jay Ingram :
Rebecca, vous avez manifestement beaucoup réfléchi à la question, et de nombreuses personnes dans le monde se trouvent dans une situation similaire à la vôtre ou du moins y réfléchissent. Quelle est, selon vous, la chose la plus importante que le reste d’entre nous puisse comprendre à propos de la maladie d’Alzheimer et des autres types de démence?
 
Rebecca Chopp :
Je pense que la chose la plus importante que nous devons tous comprendre, c’est que chaque personne est différente dans cette gamme de démences, mais tout le monde doit s’informer. Ils doivent défendre leurs propres intérêts. Ils doivent faire leurs propres recherches. Heureusement, il y a beaucoup de contenu sur le Web, dans les associations Alzheimer du monde entier, dans les groupes Alzheimer, dans les livres. Vous devez effectuer des recherches et choisir de vivre dans la joie. Il faut refuser de s’abandonner au désespoir, car c’est une maladie tragique. Mais en choisissant de vivre, vous pouvez prolonger votre bien-être, vos années de bien-être, profiter de votre famille et rester productif. Je pense que nous avions l’habitude de penser qu’à partir du moment où l’on était atteint de la maladie d’Alzheimer, on cessait d’être productif, on devenait dépendant. C’est comme s’il n’y avait que deux possibilités. Vous étiez en bonne santé, puis en très mauvaise santé. Mais ce n’est pas vrai. Il s’agit d’un long spectre. Vous pouvez rester productif et engagé pendant de nombreuses années.
 
Jay Ingram :
Rebecca, ce fut un grand plaisir de vous parler. Merci beaucoup.
 
Rebecca Chopp :
Merci.
 
Jay Ingram :
Rebecca Chopp est éducatrice et militante dans le domaine de la maladie d’Alzheimer. Elle publiera en 2024 un livre intitulé « Not Your Grandmother’s Alzheimer’s ». Elle nous a rejoints depuis Denver.
 
Allison Sekuler :
Notre prochaine invitée, ma collègue Nicole Anderson, a écouté Rebecca. Nicole étudie la mémoire, la santé du cerveau vieillissant et la façon dont les interventions sur le mode de vie, comme l’engagement cognitif, peuvent réduire les risques de démence et l’évolution de la maladie.
 
Jay Ingram :
Nicole est scientifique principale à l’Institut de recherche Rotman et directrice scientifique associée du Centre Kimel pour la santé et le bien‑être du cerveau, tous deux situés à Baycrest. Elle est également professeure de psychologie et de psychiatrie à l’Université de Toronto. Nicole, bienvenue à Défier la démence.
 
Nicole Anderson :
Je suis heureuse d’être ici.
 
Allison Sekuler :
Nicole, qu’est-ce qui a particulièrement retenu votre attention dans les propos de Rebecca?
 
Nicole Anderson :
Ce qui m’a le plus impressionné dans les propos de Rebecca, c’est qu’elle a abordé de nombreux facteurs de risque de démence. Elle a donc commencé à manger plus sainement. Elle s’est davantage investie sur le plan cognitif par la peinture. Elle s’est concentrée sur la réduction du stress au moyen, dans son cas, de la spiritualité. Elle s’est donc attaquée non seulement à un facteur de risque, mais aussi à l’ensemble des facteurs de risque. Mais elle est très ambitieuse, c’est une femme très active, et je pense que pour la plupart d’entre nous, c’est peut-être trop à assumer d’un seul coup. Les gens doivent donc se sentir à l’aise pour s’attaquer à une chose à la fois et, une fois qu’ils l’ont maîtrisée, passer à l’étape suivante.
 
Jay Ingram :
Nicole, même en tenant compte de l’ensemble des activités de Rebecca, y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter à cette sélection, à sa description de l’engagement cognitif?
 
 
Nicole Anderson :
Elle s’est quelque peu concentrée sur l’engagement social. C’est un autre domaine très important. Donc, si les gens sont confrontés à cette situation et qu’ils s’occupent de leur alimentation, de leur activité physique, de leur engagement cognitif, j’espère qu’ils ne le font pas seuls. J’espère qu’ils s’inscrivent à un cours de peinture avec d’autres personnes, à un club de lecture ou à n’importe quoi d’autre pour l’engagement cognitif, qu’ils font de l’exercice avec d’autres personnes, tout simplement pour que l’engagement social fasse partie de la recette.
 
Jay Ingram :
Oui, c’est un bon point. J’aimerais également savoir si vous pensez que sa sélection impressionnante d’activités est une bonne représentation de toutes les activités qui constituent l’engagement cognitif.
 
Nicole Anderson :
Pour son engagement cognitif, elle se concentre principalement sur la peinture. C’est excellent. Les gens peuvent choisir ce qui les intéresse sur le plan cognitif, tant que c’est quelque chose qui les met au défi et dont ils tirent constamment des enseignements. Quelqu’un d’autre pourrait dire : « Est-ce que ça veut dire que je dois commencer à peindre? » La réponse est non. Si vous êtes plus intéressé par l’étude de la Grèce antique, allez étudier la Grèce antique. Donc, peu importe ce qui vous inspire et vous motive, foncez, car les gens ne continueront pas s’ils n’y prennent pas plaisir, n’est-ce pas? Tout compte tant que l’on est mis au défi, que l’on doit réfléchir sérieusement et que l’on apprend de nouvelles choses. La peinture serait donc tout à fait appropriée, car lorsque vous peignez, tant que ce n’est pas de la peinture abstraite, vous devez penser à la perspective et aux contours, toutes ces choses que vous devez planifier.
 
Allison Sekuler :
Les couleurs.
 
Nicole Anderson :
Oui, et les couleurs. Réfléchissons au Sudoku et aux mots croisés, oui, il s’agit d’un engagement cognitif. Encore une fois, tant que vous vous lancez des défis et que vous ne vous contentez pas de faire des casse-têtes super simples que vous pouvez faire les yeux fermés. Cela englobe vraiment tout ce qui vous oblige à apprendre constamment et à repousser vos limites.
 
Allison Sekuler :
Y a-t-il des différences? Les gens ont entendu parler de différents types de jeux d’entraînement cérébral, de mots croisés, etc. Y a-t-il une différence entre s’engager d’une manière qui vous aide à vous améliorer dans une seule chose et s’engager d’une manière qui va vous aider à vous améliorer dans beaucoup de choses différentes?
 
Nicole Anderson :
Absolument. Je pense qu’il est très important que les gens sachent ceci : si vous ne faites une seule chose encore et encore, que ce soit des mots croisés, des sudokus ou des jeux d’entraînement cérébral, vous ne deviendrez meilleur qu’à cette chose. Mais en général, cela ne s’appliquera pas nécessairement à votre quotidien. Je suis d’avis qu’il vaut mieux s’engager dans des activités du quotidien parce que, par définition, cela va se généraliser au quotidien. Ainsi, si vous participez à des groupes de discussion, vous apprendrez à mieux réfléchir par vous-mêmes et à avoir des conversations avec les gens, plutôt que de faire la même chose encore et encore.
 
Jay Ingram :
J’ai une question concernant des activités que la plupart des gens ne comptent peut-être pas, et elles ne comptent peut-être pas lorsque je vous pose cette question, mais ne considérez pas seulement l’amateur de baseball moyen qui se rend au Centre Rogers pour un match des Blue Jays, qui boit une bière, applaudit un coup de circuit, puis qui rentre chez lui. Mais il y a des amateurs de baseball qui se passionnent pour le match, qui notent chaque lancer, qui connaissent les statistiques de chaque joueur, les statistiques de la ligue, et qui peuvent vous donner des détails incroyables. Et évidemment, pendant la saison de baseball au moins, ils se tiennent au courant. Est-ce que cela compte comme un engagement cognitif?
 
Nicole Anderson :
Je dirais que cela compte comme un engagement cognitif parce qu’ils sont tellement impliqués tout au long de la saison et probablement en dehors de la saison qu’ils en parlent avec leurs amis. Cela dit, je suis l’épouse d’un Britannique qui connaît son équipe de football comme sa poche et qui peut se souvenir de matchs joués il y a 20 ou 30 ans, et je peux vous dire d’expérience qu’il a une excellente mémoire de son équipe de football, mais elle ne s’applique pas à la vie de tous les jours. Je soupçonne donc que ces experts en baseball ne sont peut-être pas meilleurs que vous ou moi dans d’autres domaines cognitifs.
 
Allison Sekuler :
Mais cela vaut toujours la peine d’aller voir les matchs de baseball, d’après ce que j’ai entendu dire.
 
Nicole Anderson :
En effet. J’y suis allée hier soir.
 
Jay Ingram :
Oui. Tant que l’on ne déteste pas ça. C’est en fait un point important, pour ce qui est de s’en tenir à ces choses, mais plus précisément en ce qui concerne le risque de démence, que constatez-vous, vous et d’autres scientifiques, sur l’efficacité, le rôle de l’engagement cognitif dans la limitation ou la réduction du risque de démence?
 
Nicole Anderson :
Je dirais qu’il s’agit d’un domaine de recherche en pleine expansion. Il n’y a pas beaucoup de preuves, mais celles qui existent sont prometteuses. Il existe donc des études qui montrent que les adultes âgés en bonne santé présentant des troubles cognitifs légers et même les adultes âgés aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer peuvent tirer profit d’une variété de programmes différents qui les engagent sur le plan cognitif. Il peut s’agir de cours de musique, d’apprentissage de langues, comme l’espagnol ou une autre langue, de théâtre et d’activités d’improvisation. Diverses études ont mis en évidence les bienfaits de ce type d’activités sur le plan cognitif et l’on a constaté une réduction du risque de développer une démence dans certaines études sur des personnes au fil du temps. Il s’agit donc de données prometteuses, mais je pense qu’il faut poursuivre les recherches dans ce domaine.
 
Jay Ingram :
Savons-nous, ou savez-vous, les scientifiques savent-ils ce qui peut se passer dans le cerveau lorsque l’accent est mis sur l’engagement cognitif, lorsque les gens font ces choses, ce qui se passe réellement pour peut-être ralentir la progression de la démence?
 
Nicole Anderson :
Oui, nous le savons. Penser est donc littéralement un exercice pour le cerveau. Ainsi, quelle que soit la zone que vous utilisez actuellement, vous augmentez le flux sanguin vers cette zone du cerveau. Il est également prouvé que cela crée de nouveaux neurones, l’acte de penser contribuant à la croissance de nouveaux neurones et à l’amélioration des connexions entre les différentes zones du cerveau. En pensant et en nous engageant dans ce type d’activités, nous créons un réseau neuronal plus riche.
 
Allison Sekuler :
Quand vous avez dit que penser était un exercice pour le cerveau, cela m’a fait penser à aller au gymnase. Si l’on va au gymnase et qu’on se contente de soulever les mêmes poids et de faire les mêmes exercices encore et encore, on obtient peut-être des gains au début, mais au bout d’un certain temps, si l’on continue de faire exactement la même chose ad nauseam, cette séance d’entraînement ne nous apportera plus grand-chose.
 
Nicole Anderson :
Absolument. J’utilise cet exemple lorsque je donne des conférences. Je dis que si je vais au gymnase et que je ne fais que soulever un haltère avec mon bras droit pendant six mois, mon bras droit deviendra très fort, mais cela ne changera pas grand-chose pour le reste de mon corps. Ainsi, en matière d’engagement cognitif, j’encourage les gens à faire travailler l’ensemble de leur cerveau. Ainsi, les activités verbales, comme rejoindre un club de lecture ou un groupe de discussion, mobiliseront davantage l’hémisphère gauche, les activités visuelles et spatiales, comme faire des casse-têtes ou explorer la ville, mobiliseront davantage l’hémisphère droit, et les activités de planification et d’organisation, comme nettoyer ce placard que l’on veut organiser depuis toujours, ou planifier des événements caritatifs, par exemple, mobiliseront davantage les lobes frontaux. J’encourage donc les gens à essayer de mélanger des activités visuelles, verbales, spatiales, de planification et d’organisation dans tous les types d’activités qu’ils exercent.
 
Allison Sekuler :
En plus du mélange des différents types d’activités qui engagent différentes parties du cerveau pour l’engagement cognitif, vous avez fait allusion précédemment à d’autres types de modifications du mode de vie, comme l’exercice physique et l’engagement social, et je pense que les gens, y compris moi-même, se demandent dans quelle mesure l’engagement cognitif fait vraiment partie de ce même mélange de modifications positives du mode de vie, ou s’il s’agit de quelque chose de distinct?
 
Nicole Anderson :
Je pense que cela fait partie de l’ensemble. Dans le passé, la recherche a eu tendance à mener un essai sur l’exercice physique, par exemple, et à examiner les avantages de l’exercice, ou un essai sur la nutrition, et à examiner les avantages d’une bonne alimentation, ou encore un essai cognitif. J’ai déjà eu l’occasion d’enseigner l’espagnol à des personnes et d’en étudier les avantages. Mais notre cerveau ne fonctionne pas comme ça. Il ne s’agit pas d’une seule chose précise. Nous savons que l’ensemble des facteurs de risque modifiables peut être à l’origine d’au moins 40 % des cas de démence. Ils englobent l’activité physique, les activités cognitives, l’engagement social, la réduction du stress, et nous devons donc les aborder tous ensemble.
 
Allison Sekuler :
C’est un excellent conseil.
 
Jay Ingram :
Nicole, c’est vraiment fantastique. Je pense que vous avez donné aux gens beaucoup d’occasions de réfléchir à ce qu’ils devraient faire. Si nous pouvions résumer votre message, quel serait-il? Que diriez-vous à quelqu’un qui a écouté cette émission et qui pourrait hésiter sur les premières mesures à prendre?
 
Nicole Anderson :
Si quelqu’un hésite, je lui dirais de réfléchir au domaine dans lequel il est le plus sûr de pouvoir apporter un changement et de trouver ce qu’il aimerait faire dans ce domaine. Le même message que j’essaie de faire passer à propos de l’engagement cognitif, à savoir choisir quelque chose qui vous passionne, s’applique également à l’exercice physique. Si vous détestez courir, n’allez pas courir. Rejoignez un groupe de tennis léger, etc., et essayez d’être actif dans ce domaine, qu’il s’agisse d’engagement cognitif, d’activité physique ou d’amélioration de votre régime alimentaire. Une fois que vous aurez pris confiance, choisissez un autre domaine et concentrez-vous sur ce qui vous intéresse et ce qui vous motiverait vraiment.
 
Jay Ingram :
Merci pour vos commentaires, Nicole.
 
Allison Sekuler :
Merci, Nicole.
 
Nicole Anderson :
Il n’y a pas de quoi. Ce fut amusant.
 
Allison Sekuler :
Nicole Anderson, Ph. D., est scientifique principale à l’Institut de recherche Rotman et directrice scientifique associée du Centre Kimel pour la santé et le bien-être du cerveau, tous deux à Baycrest. Elle est également professeure de psychologie et de psychiatrie à l’Université de Toronto.
 
Jay Ingram :
Alison, c’est vraiment un domaine fascinant, et je pense que c’est un domaine relativement nouveau, où l’on peut faire beaucoup en gardant son cerveau actif. Une chose qui m’a frappé est qu’il ne suffit pas de faire une activité à répétition, même s’il s’agit d’un défi mental, comme des mots croisés, car une fois que l’on devient bon dans cette activité, on n’en tire peut-être pas le même bénéfice qu’au début. Il en va de même pour les choses qui continuent à vous mettre au défi. C’est un des points.
 
Allison Sekuler :
Oui, et je pense qu’un autre point est de ne pas se contenter d’une seule chose, mais de faire beaucoup de choses différentes. Comme on dit, la variété pimente la vie. Et pour vous assurer que vous faites des choses que vous aimez vraiment, si vous voulez, des choses dans lesquelles vous allez vraiment vous engager, des choses que vous allez poursuivre parce qu’il ne s’agit pas seulement de savoir que vous le faites et que c’est stimulant, mais vous engagez‑vous à le faire? Allez-vous y aller à fond? Et je pense que c’est ce qui transforme des activités comme la peinture, dont Rebecca nous a parlé, d’un simple exutoire créatif à un exutoire d’engagement cognitif, parce qu’elle s’y est tellement investie. Elle voulait apprendre à connaître différents types d’art et différents styles. Et plus vous vous adonnez à ce genre d’activités, plus vous sollicitez votre cerveau et élargissez vos horizons de différentes manières.
 
Jay Ingram :
Pour en savoir plus sur le balado, les vidéos et les infographies de Défier la démence, rendez-vous sur https://www.baycrest.org/podcast-fr.
 
Allison Sekuler :
Notre équipe de production pour ce balado est composée de Rosanne Aleong, Monique Cheng et Sylvain Dubroqua. Notre producteur associé est Ben Schaub. La production est assurée par PodTechs, la musique est de Steve Dodd et le dessin pour la page de couverture est réalisé par Amanda Forbis et Wendy Tilby.
 
Jay Ingram :
Un grand merci à l’Agence de santé publique du Canada, qui a financé ce balado. Les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement celles de l’Agence de santé publique du Canada.
 
Allison Sekuler :
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Jay Ingram :
Et moi Jay Ingram. Rejoignez-nous pour le prochain épisode de Défier la démence. Nous parlerons d’exercice, du fait qu’un exercice pour le corps est aussi un exercice pour le cerveau qui peut aider à prévenir ou même à ralentir la démence.